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L’école de la vie

Ou quelques pincées de sucre pour adoucir l’amertume universitaire.

Lecteurs adorés, vous avez cru ne jamais plus avoir l’occasion de me lire dans les pages du Délit ? Je le pensais aussi, du moins jusqu’à il y a cinq minutes. Vous vous dites aussi que le titre de cette chronique est douloureusement quétaine ? J’en suis donc ravie ! Je ne vous décris pas le bonheur que j’ai à écrire une chronique dans ce numéro conjoint avec le Daily, ce numéro unique dans l’histoire du Délit/Daily. J’en suis d’autant plus heureuse que je m’apprête à quitter McGill dans les prochaines semaines et que le sujet, l’université que l’on veut, ne saurait mieux tomber. Ceux qui m’ont lue la semaine dernière me savent déjà très critique face à l’éducation que j’ai reçue à McGill. Je m’adoucirai un peu cette fois, remercions la pinte de stout que je bois en vous écrivant ce mot doux. À quelle université est-ce que je rêve, comparses mcgillois ? Bon, sincèrement, en ce moment, je rêve surtout à « pas d’université du tout », comme vous tous, sans doute. Mais quand je repense à ce qui crée en moi une certaine animosité, je revois les enseignements prodigués sans conviction, les travaux rédigés juste parce qu’il le faut, les cours où on doit simplement répéter l’opinion du professeur pour s’en tirer avec une bonne note. J’aurais aimé sentir que les cours que j’ai pris ont été donnés avec passion pour la matière. Même si c’était le cas parfois, je ne serai certainement pas de ceux qui affirmeront avoir ressenti cette passion dans la plupart des cours suivis.

J’ai plutôt envie de rappeler aux professeurs et aux dirigeants de l’université que leurs étudiants, encore plus à McGill qu’ailleurs, étaient il y a une quinzaine d’années tout juste des enfants avides d’apprendre, qui ne pouvaient attendre la prochaine journée de classe, qui étaient effrayés à l’idée même de rater une journée d’école. Cette affirmation est peut-être une généralisation un peu grossière, mais je me la permets. Quand on se fait répéter des années durant que McGill est la crème de la crème des étudiants au pays, on aimerait y croire, le sentir dans l’éducation prodiguée. Pourtant, combien de fois ai-je eu l’impression qu’une matinée passée à lire tranquillement à la maison m’apprendrait plus que deux heures de bourrage de crâne à McGill ? Trop souvent. Et combien de fois ai-je eu l’impression que les travaux que je rédigeais n’avaient aucune autre utilité que celle de m’obtenir des crédits ? Je continue à croire que les dissertations emmerdent tout le monde, de la personne qui l’écrit à la personne qui la lit et la corrige. Et c’est sans mentionner que la rédaction de dissertation n’est pas une preuve d’intelligence ni même une compétence qui permette de décrocher un emploi plus facilement. Pourtant, dans le modèle actuel, le bon étudiant est celui qui sait rédiger des dissertations. Trouvez l’erreur. Mon université rêvée, chers lecteurs, serait celle où la réflexion n’aurait pas de limite, où l’on ne craindrait pas de tout remettre en question, quitte à sortir du cadre. En fait, il est surtout là mon problème, le cadre. Est-ce que je crois pour autant que ces changements se produiront ? J’en doute. Et c’est pourquoi je me réjouis d’en avoir fini avec mon bac. L’université m’a appris que l’enseignement, c’est à moi de me le prodiguer. À nul autre.


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