Il est rare qu’un film russe réussisse à se frayer un chemin jusqu’aux salles de cinéma et clubs vidéo d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord et qu’il y soit bien accueilli. Le succès remporté par L’Italien, réalisé par Andreï Kravchuk, est pourtant indéniable, comme en témoignent les nombreux prix remportés en 2005 : Golden Poznan Goat au Festival Ale Kino de Pologne, le Grand Prix et la Mention Spéciale du festival du Film International de Berlin, le prix du Centre international du film pour la jeunesse et l’enfance ainsi que le Grand Prix au Festival du Cinéma de Honfleur. L’Italien est également en compétition pour l’Oscar du meilleur film étranger cette année.
La simplicité et l’universalité de la trame narrative, laquelle repose sur la quête d’un jeune orphelin, est une des grandes forces du film. Vanya (Kolia Spiridonov) décide de partir à la recherche de sa mère, peu de temps après avoir appris qu’il a été adopté (pour ne pas dire acheté) par deux Italiens (ce qui lui vaudra son surnom, l’Italien). C’est donc un conflit entre la recherche des origines et l’espoir d’une vie meilleure qui se trouve au coeur de cette oeuvre.
L’Italien prend pour base un phénomène d’une importance croissante en Russie : l’adoption internationale, souvent entachée d’irrégularités et motivée par l’appât du gain (Vanya est « vendu » pour 5000 euros, une somme colossale). Tous les côtés de ce phénomène sont abordés sans parti pris. Le spectateur est témoin de la joie des futurs parents, de l’avidité de la femme d’affaires russe qui prend l’adoption en charge, de l’appréhension et de la peur du petit Vanya, en opposition avec l’espoir et l’envie qui se devinent dans le regard de ses camarades d’orphelinat.
Évidemment, l’orphelinat est une fenêtre sur un monde de pauvreté, de mendicité, de vol et de prostitution. Pourtant, la camaraderie qui semble régner en ce lieu retient L’Italien de tomber dans un pathétique qui aurait nuit à la lucidité du regard porté sur ce milieu.
La volonté du réalisateur de présenter la Russie sans la travestir se sent à travers tout son film, notamment dans le choix de s’éloigner de Moscou et Saint-Pétersbourg pour nous montrer la Russie provinciale, loin de la prospérité des grands centres. Croyez-en votre humble journaliste, qui a eu le plaisir de parcourir la Russie durant quelques semaines : l’image que nous en donne L’Italien est juste et réaliste, depuis les cigarettes sibériennes à long filtre jusqu’aux babouchkas qui vendent leur soupe dans les gares. Sans tomber dans le misérabilisme, Kravchuk filme un pays terne et gris, recouvert d’une neige sale, sillonné par des autobus de la première moitié du XXe siècle et des trains sous lesquels se jettent les alcooliques et les dépressifs et où la patate bouillie est la base de l’alimentation. Face au brillant soleil de l’Italie, la Russie fait pâle figure. Seules la bonté et la générosité de ses habitants nuancent ce sombre portrait.
Un des grands mérites de L’Italien est d’être un film bien équilibré. Ses qualités esthétiques ainsi que le jeu convaincant des acteurs principaux plairont aux cinéphiles, tandis que le portrait réaliste de la Russie qu’il présente fascinera le russophile qui se cache en chacun de nous.