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Point de départ : Nouvelle-Orléans

Voici le premier d’une série de quatre articles s’intéressant au jazz. 

Forme musicale distincte, le jazz occupe depuis plus de soixante ans une place importante dans la culture montréalaise. Il peut cependant s’avérer difficile pour les néophytes de s’intéresser à ce style parfois brutal, parfois sans repère. Quels musiciens aller voir ? Quels sont les principaux foyers de diffusion montréalais ? Qui sont les artistes à surveiller en ce moment ? Cet espace tentera de répondre à ces questions en regardant le jazz d’aujourd’hui et d’hier sous trois aspects, à savoir le jazz de New York, de Chicago et d’Europe. Ceci nous permettra de cerner les mouvements jazz d’aujourd’hui tout en indiquant les têtes d’affiche se produisant régulièrement ou occasionnellement à Montréal. Afin d’y parvenir, il faut d’abord remonter à la source, sur les bords du Mississipi.

C’est en Nouvelle-Orléans que l’on situe généralement la naissance du jazz (on écrivait jass jusque vers 1917). Étymologiquement, le mot pourrait venir, par exemple, de chase (chasse, combat), de jason (1860, vitalité, énergie), de chasse (pas de danse glissé condamné par les Quakers), de jackass (argot noir : âne ou imbécile, musique d’imbéciles).

Il serait par contre faux de croire que ses origines proviennent d’un seul et même endroit. Le jazz est plutôt une synthèse, un échange entre deux cultures : celle des populations noires descendant des esclaves africains et celle de l’Amérique du Nord. En ce sens, la matière composite du jazz est large. Dans ses racines, on retrouve indiscutablement les chants des plantations, les negro-spirituals et les gospels-songs, chants religieux d’inspiration biblique et évangélique. À cela, on peut ajouter les minstrels, spectacles-parades burlesques donnés par des Blancs grimés en noir et dont l’existence remonte à avant la guerre de Sécession.

Le jazz apparaît ainsi comme une création collective prenant naissance un peu partout aux États-Unis, là où il y avait des populations noires. La Nouvelle-Orléans se distingue dû au fait qu’il s’agit, à la fin du XIXe siècle, d’une ville de brassages ethniques. De nombreux musiciens blancs, noirs et métis de Français et d’Espagnols s’y retrouvent pour former les premiers brass-bands se produisant au Congo Square. En tête, on retrouve Buddy Bolden, qui préconisait déjà la liberté rythmique, élément constitutif du jazz sur lequel les musiciens bâtiront leur style. On peut ajouter à cet élément le swing, le rag-time et le blues.

Les premiers grands du jazz (King Oliver, Sydney Bechet, Louis Armstrong, Jelly Roll Morton, Duke Ellington) sont des musiciens ayant réussi la fusion parfaite de tous ses éléments, afin de créer une première mouture réellement moderne de cette forme musicale. Cependant, nous devrons attendre l’après-guerre de 1914–1918 avant de voir l’émergence de ces pionniers. La prohibition, avec ses cabarets clandestins, de même que l’apparition du disque feront en sorte que les premiers orchestres verront le jour. Ceux-ci entreront finalement dans la légende peu après 1929, année du krach.

Une fois la prohibition abolie, une ère de prospérité souffle sur l’Amérique. Les nombreux musiciens exilés en Europe reviennent à la maison : c’est la folie du swing qui débute avec les big-bands. Le jazz est sur ses rails et est prêt à accueillir ses premiers dieux. Dieux qui, manifestement, inspirent encore toute une génération d’artistes, de New York à Chicago en passant par Oslo.


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