La victoire écrasante de Barack Obama du samedi 26 janvier dernier en Caroline du Sud –il a obtenu 55% des suffrages alors qu’Hillary a reçu 27% des voix– démontre que sa campagne est loin d’être terminée, malgré le retard qu’il affiche par rapport à la sénatrice de l’État de New York. Deux importants acteurs au sein du Parti démocrate se sont d’ailleurs rangés derrière lui la semaine dernière : nuls autres que Caroline et Edward Kennedy. Ces deux appuis de taille, ajoutés aux nombreux sénateurs et personnalités publiques qui le soutiennent, joueront certainement un rôle clé.
Dans quelques heures, ce sont 2084 des 4049 délégués qui seront répartis entre Barack et Hillary. Parmi les gros États qui participent à ce « super mardi », on note entre autres ceux de la Californie, de New York et du New Jersey. Dans un sondage effectué par le Washington Post et ABC News jeudi et vendredi, Clinton récoltait 47% des appuis au niveau national comparativement à 43% pour Obama, avec une marge d’erreur de quatre points. Les résultats de ce soir s’annoncent donc très serrés, et bien sûr déterminants, pour les deux têtes d’affiche.
Nous avons constaté après la primaire de samedi dernier que non seulement les électeurs noirs avaient voté massivement pour Obama, mais qu’il avait également obtenu l’appui de 50% des Blancs âgés de 18 à 29 ans. Il semble donc que, contrairement à sa rivale new-yorkaise, le sénateur de l’Illinois rejoint davantage les jeunes. Après de dures épreuves de jeunesse, Obama semble comprendre cette génération mieux que quiconque. Il apporte de l’espoir à des jeunes désillusionnés et inconfortables avec les positions que leur pays a prises durant les années Bush.
Barack Obama se distingue aussi d’Hillary par son opposition à la guerre en Irak. Certes, Mme Clinton est aujourd’hui contre cette intervention. Cependant, lors du vote au Congrès en 2003, elle avait voté en faveur de son déclenchement, ce qui semble conférer un certain avantage à Obama lorsqu’il s’agit de rallier les opposants de la première heure à la présence américaine en Irak.
J’ai beaucoup de respect pour Hillary. Son parcours politique —en commençant par son discours au Wellesley College en 1969, dans lequel elle a énoncé sa forte opposition à la guerre du Vietnam, jusqu’à sa brillante carrière au Sénat— nous démontre qu’elle est une femme déterminée et intelligente. Cependant, il vient un temps où l’on se doit de passer le flambeau.
Le jeune sénateur de l’Illinois, quant à lui, diplômé de Columbia en science politique et de Harvard en droit, s’est dévoué pendant plusieurs années à la cause des jeunes et des démunis à Chicago, sa ville adoptive. Le clan Clinton lui reproche souvent son manque d’expérience en politique, mais je trouve que huit ans au Sénat de l’Illinois et trois ans au Sénat américain, ce n’est pas si mal. Les positions politiques d’Obama sont fort intéressantes. Il veut notamment élargir la couverture gouvernementale du système de santé à tous les enfants, offrir aux immigrants illégaux une « voie vers la citoyenneté » et, sur le plan économique, il prône plusieurs méthodes pour assurer une mobilité ascendante, un libre marché dynamique, de l’innovation entrepreneuriale, ainsi qu’une plus grande place pour les programmes sociaux.
En outre, je pense qu’une grande majorité d’Américains pourrait compter sur lui pour rétablir un certain équilibre au sein de leur société. Car, bien que le dynamisme économique de nos voisins du sud soit impressionnant, le creux qui sépare les très riches des très pauvres s’élargit de jour en jour. Et, à mon avis, les questions économiques auront une importance capitale lors des débats entre le candidat à la présidence démocrate et le candidat républicain, à cause de la récente menace de récession —cadeau de départ de George W. Bush. Espérons qu’Obama aura lui aussi l’audace de prononcer ces mots à l’intention de son adversaire républicain : « It’s the economy, stupid ».