Quelle autre ville que New York peut se targuer d’être la capitale mondiale du jazz ? Depuis l’émergence du bebop dans les années 1940, New York représente l’endroit privilégié où les musiciens sont consacrés ou oubliés. C’est dans cette ville que la plupart des grands courants jazz se sont cristallisés au 20e siècle. On y a vu l’émergence de Miles Davis, John Coltrane, des étiquettes Blue Note et Impulse!. Le saxophoniste Ornette Coleman, précurseur légendaire, a chambardé la Grosse Pomme à la fin des années 1950 avec une nouvelle musique jazz qui allait mener vers la New Thing, pour finalement aboutir au free-jazz.
De nos jours, New York demeure toujours le point central de la planète jazz. Tous les styles y sont représentés par différents clubs et bars. Toutes les influences viennent s’y amalgamer afin de former un son distinct. Pour les musiciens, s’établir à New York représente la chance ultime de réussir.
C’est par l’expression consacrée New York Downtown Scene que l’on réfère à une mouvance présente depuis une vingtaine d’années, caractérisée par une fusion des genres, des individus, des styles. En constante évolution, la New York Downtown Scene est supportée par de nombreux clubs du Lower Manhattan, tels Tonic, Smalls et le célèbre Knitting Factory. Plus haut, il y a le Village Vanguard, mythique établissement, moins d’avant-garde, mais toujours pertinent.
Le style de jazz ici rencontré s’abreuve à de nombreuses sources et est décidemment cosmopolite. L’improvisation prend racine parfois dans la musique du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est, de l’Asie. On y retrouve aussi des concepts classiques comme le minimalisme et le sérialisme. Ce jazz postmoderne combine des éléments de hip hop, de free-jazz, d’électronique et de rock et mélange les instruments tout en redéfinissant la nature des quartets et autres formations. Il s’agit d’une oscillation entre un jazz mainstream-hardbop toujours populaire et une avant-garde furieuse, dramatique et lyrique.
En tête des artistes souvent associés à New York et la scène Downtown, il faut nommer le génial John Zorn. Compositeur, producteur et saxophoniste émérite, il mène plusieurs projets de front, dont sa participation à l’excellent groupe Electric Masada. Possédant sa propre étiquette, Tzadik, Zorn permet la diffusion d’un jazz très contemporain (musique de film, orchestre de chambre, grands ensembles, etc.), souvent à l’honneur au Festival international de musique actuelle de Victoriaville.
Malheureusement, Montréal peine à attirer ce genre d’artistes hors du Festival International de Jazz. Peu de bars et de clubs sont propices à la diffusion de ce son, la disparition du Spectrum n’aidant pas la chose. Cependant, le Upstairs, le Dieze Onze et The House of Jazz peuvent nous offrir une expérience rappelant New York, avec d’excellents artistes locaux et canadiens. Ultimement, pour goûter la New York Downtown Scene à Montréal, c’est à la Sala Rossa qu’il faudra prêter l’oreille. Nous y reviendrons.
Suggestions Albums :
Electric Masada ; At the Mountains of Madness
Bobby Previte ; The 23 Constellations of Joan Miro
David S. Ware Quaret ; Freedom Suite
Concerts à venir :
Ethnic Heritage Ensemble, 13 février, Sala Rossa.
La mini-série sur le jazz se poursuivra dans les prochaines semaines.