« Moi aussi, je suis Cambodgien, papa ? » J’avais posé cette question à mon père suite à un reportage télévisé sur un déploiement onusien dans le Cambodge de mes parents –avec toute l’innocence du jeune Parisien que j’étais à l’époque. C’était là ma toute première réflexion sur mon identité culturelle. En vous épargnant les détails d’une introspection trop personnelle, j’aimerais partager avec vous quelques réflexions plus récentes sur l’évolution de mon identité.
Je viens de rejoindre à Copenhague un collègue mcgillois qui étudie à la faculté d’architecture. Entre deux gorgées de bière –des danoises en canettes glacées, histoire de nous réchauffer avant d’affronter la chaude vie nocturne étudiante copenhaguoise–, nous nous sommes lancés dans une discussion à cheval entre l’architecture, la construction de l’identité culturelle et la définition des limites de cette même identité.
En évitant de tomber dans les clichés de l’étudiant en échange qui s’extasie devant tout et n’importe quoi, nous avons longuement discuté de notre extraordinaire opportunité. Nous côtoyons des individus qui partagent avec nous leur histoire à la saveur culturelle bien différente de la nôtre. À travers les méandres de la conversation, nous avons aussi évité de rabaisser nos expériences antérieures du multiculturalisme à la montréalaise. Mais en nous installant pour six mois dans notre culture scandinave respective, entourés d’étudiants locaux et internationaux, nous vivons un brassage culturel d’une intensité décuplée.
Nous nous sommes également interrogés sur le projet de construire une identité culturelle fondée sur la notion « d’authenticité ». Je m’explique. Malgré la création d’une culture globale qui s’étend tranquillement sur la planète, les cultures « nationales » alimentent les moteurs d’une sorte de nationalisme moderne. Sans pour autant rejeter la perspective d’une culture globale, ce nationalisme moderne continue d’exacerber les différences entre voisins. Tel pays est le pays du design, l’autre est celui de la musique alternative. On associe sa nation à des images, aux plus beaux monuments, aux plus impressionnants paysages.
Mais, je vous le demande, où se trouve la véritable « authenticité culturelle » dans tout cela ? On vend la « French Baguette » dans les supermarchés suédois et les « boulettes suédoises » dans les centres du design à travers le monde. Mettons les choses au clair : je ne souhaite pas me lancer ici dans une critique ou un plaidoyer désespéré pour le retour d’une authenticité culturelle difficile à définir et qui n’a peut-être jamais existé. Je veux uniquement attirer votre attention sur le phénomène d’effritement des frontières physiques et notre évolution vers une « troisième dimension » culturelle globale qui formera un tronc commun entre plusieurs cultures nationales.
Mon expérience européenne me fait réaliser l’importance de cette dimension alternative qui transcende la recherche constante d’authenticité et d’exclusivité des nationalismes culturels uni- ou bidimensionnels. Pour citer mon collègue, « si l’espace physique n’existait plus, deux dimensions pour définir le monde ne suffiraient pas ». On ne peut plus se limiter à des frontières dessinées du bout d’un stylo. On ne peut plus se définir strictement comme Bulgare, Canadien, voire même Québécois ou Montréalais. On ne peut pas dessiner avec précision les limites de son identité.
Ceci étant dit, je savoure chaque moment de mon échange et je continue de redéfinir mon identité autour d’un modèle blond qui alimente mes rêves. Bref, mes interrogations identitaires me poursuivent jusque dans le Nord.
Vi Ses ! (On se voit bientôt!)