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Ma langue a mal à l’AÉUM

Lors de la précédente parution du Délit, l’équipe de rédaction était si absorbée par le numéro spécial Asie qu’elle n’a guère commenté l’issue du vote référendaire sur son avenir. L’année 2007–2008 tirant à sa fin –vous tenez entre vos mains notre avant-dernier numéro–, nous tenons à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la survie de notre journal hebdomadaire bien particulier.

D’une année à l’autre, selon la composition de son équipe éditoriale, la saveur du Délit change. Néanmoins, un petit quelque chose de chimérique persiste toujours. Entre l’urbanisme et le droit, la Russie et la Chine, Kundera et Voltaire, le microcosme anglophone et le fait français, toutes sortes de mutations s’opèrent. Cependant, à travers les remous qu’elles provoquent, une constante demeure, corollaire de la nature indépendante de notre journal : une pincée de publicité avec une bonne dose d’information d’intérêt public pour la communauté étudiante.

Bon an mal an en effet —obligation constitutionnelle aidant—, les publicités qui informent nos lecteurs des processus démocratiques de l’AÉUM reviennent. Pour les quelques déliites se frottant au bureau publicitaire, leurs arrivages successifs sont aussi attendus que le déferlement des dix plaies d’Égypte. Il faut dire que, dans leur état originel, ces documents sont plus souvent qu’autrement, en ce qui concerne la qualité du français qui y est employé, d’une médiocrité spectaculaire.

Petite leçon de français
Des exemples ? « Votez chez [sic] notre bureau de vote en [sic] Bronfman. » «[Le vote se déroule] au [sic] Bibliotheque [sic] McLennan. » « Élections McGill accepte des nominations pour les positions [sic] suivantes. » « Vous-même [sic] pouvez faire une différence ! » Et la liste pourrait se poursuivre longuement…

Soyons francs : à voir des fautes aussi navrantes, il ne fait pas de doute qu’aucun soin n’est apporté à la version française des publicités de l’AÉUM. Devant les multiples erreurs de genre, les choix de préposition douteux et l’ignorance apparente de l’orthographe de mots aussi courants que « bibliothèque » —même le piètre correcteur automatique de Word ne laisse pas passer ça…—, on en vient par moments à se demander si leurs traducteurs parlent la langue de Molière. Une chose est sûre cependant : leur capacité à se servir d’un dictionnaire est limitée.

Bien sûr, les commissaires francophones, responsables des relations entre l’association étudiante et la communauté francophone de McGill, donc chargés des publicités, ont fort à faire pour promouvoir le français. La fermeture du Centre des étudiants francophones n’est rien pour leur faciliter la tâche. Entre les études, l’implication dans des associations facultaires, les réunions de l’AÉUM et l’organisation de la Francofête, la correction de textes aux termes techniques et à la formulation vaguement juridique —de toute façon revus et améliorés par les bons soins de notre équipe— semble être la dernière de leurs priorités.

Manque de moyens ou d’intérêt ? Dans les deux cas, force est de nous interroger sur la façon dont les commissaires vont s’y prendre pour intéresser la communauté universitaire au français, ainsi que sur leur conception de la langue. Une semaine de festivités au cours de l’année ne suffit pas. Une traduction bâclée de publicités ou de sites Web non plus.

Plus qu’un simple élément exotique sur le campus, le français est un atout pour l’Université McGill. Dans cette optique, chacune de ses manifestations se devrait d’être soignée. Car il ne s’agit pas, pour qu’une langue soit attrayante, de la réduire à un simple média permettant de faire circuler un message. Sa beauté réside dans sa complexité et c’est faire preuve de respect envers tous ceux qui l’utilisent que de s’employer à lui rendre justice.

Une francophobie infectieuse
En somme, quiconque est en charge de la traduction des informations destinées à la communauté francophone de McGill, s’il prétend se passer d’ouvrir un dictionnaire, aurait beaucoup à gagner en retournant sur les bancs d’école… ou à lire Le Délit. On peut en effet se demander comment les commissaires francophones, s’ils ont lu les publicités remaniées, peuvent encore laisser passer autant de textes médiocres.

À leur décharge, il faut préciser que ce désagrément s’avère en fait symptomatique d’un problème qui les dépasse ; l’AÉUM ne consacre tout simplement pas assez de ressources pour assurer une traduction française appropriée de ses communications. Son site Internet demeure unilingue anglophone. Les publicités pour la librairie de l’association favorisent sans contredit l’anglais (la traduction accessible sur le site de Haven Books paraît tout aussi maladroite que les exemples cités ci-dessus).

Cette année a de plus marqué un changement dans la place qu’occupe le français à l’AÉUM. Le Centre des étudiants francophones, qui visait à orchestrer diverses activités réunissant les francophiles de tous horizons, a été fermé pour favoriser une intégration plus directe du français au sein des services de l’association. Il n’y a aucun doute, à voir l’ampleur et la diversité des événements de la Francofête, que les commissaires ont été occupés.

Cela dit, ces derniers demeurent des étudiants avec d’autres obligations et implications que celles de promouvoir le français à McGill. L’AÉUM affirme qu’elle engagera des traducteurs pour l’été. Il ne reste qu’à souhaiter qu’elle le fasse véritablement plutôt que de se décharger de ses responsabilités et de refiler le casse-tête administratif et bureaucratique qu’est le commissariat francophone à de nouveaux candidats.


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