Les choses qui se terminent nous renvoient très souvent à leur commencement. Ceux qui passent ces jours-ci leur final final repensent à leur premier cours à McGill. Ceux qui déposent leur mémoire se rappellent l’instant où ils ont trouvé leur sujet de recherche. Ceux qui quittent leur emploi revivent leur première journée de travail. Et puis, enfermés dans leur chambre un samedi soir pour rédiger leur énième article de l’année, les petits déliites songent au moment où ils ont eu l’idée tordue de « s’impliquer ». « Engagez-vous qu’ils disaient…», les Romains.
Et moi, alors que vient le temps de signer mon dernier éditorial, je ne songe point à tous les soirs où j’ai maudit mes colocataires à cause du bruit intenable dans la pièce voisine, eux qui ne connaissaient apparemment pas les mots « fin de session », mais bien au premier journal de l’année, celui qui nous a occupés bien plus longtemps qu’un samedi soir.
Premier Délit
Pour célébrer le trentième anniversaire du Délit, l’équipe éditoriale avait décidé de se lancer dans un premier numéro « obèse ». Que dire ? Nous étions seulement zélés…et un peu naïfs. Nous avons parcouru les archives de plusieurs centaines de Délit, retrouvé le premier rédacteur en chef du journal, réalisé des dizaines de montages photos avec des céleris au Cheez Whiz sur une nappe orange et brune (année 1977 oblige). Le dimanche soir, la tension a commencé à monter lorsque la correctrice a vu le nombre d’articles s’accumuler dans sa boîte de réception (« Vous avez 30 nouveaux messages »). Puis, le jour fatidique du lundi arriva. Entre l’une qui avait décidé que c’était le jour pour s’acheter des meubles chez IKEA, l’autre qui n’en pouvait plus de retoucher les photos de ses ballons, la journée/soirée/nuit de production s’est terminée très tard. Il s’en est fallu de peu qu’il n’y ait pas de journal du tout. À 1h00 du matin, un agent de sécurité est entré dans le local, nous priant de sortir parce que l’édifice allait fermer. Je ne sais pas comment nous avons fait, mais après quinze minutes de négociations, il nous a finalement laissés tranquilles. Nous avons célébré notre accomplissement au Tim Hortons ouvert 24h de la rue University et avons juré que les prochaines productions ne se termineraient pas avec un café-goût-eau-de-vaisselle à 2h00 du matin.
Dernier mot
Une petite note sur la nature même du Délit pour finir. Lorsque les gens apprennent que vous travaillez pour un journal étudiant, ils pensent tout de suite que vous voulez faire carrière dans le monde des médias. Comment vous expliquer que Le Délit n’est pas comme ça ? Nos collaborateurs ne sont pas des « journalistes » —seulement des étudiants pauvres qui veulent des billets de théâtre gratuits. Notre contenu va du « chialage » contre le français à McGill au Mohammed délit, qui remplit les trous de dernière minute (heureusement qu’on a les chroniques artistiques!). Notre lectorat, s’il existe, est majoritairement constitué d’étudiants qui ne réagissent à aucun de nos articles et de ma maman (qui me trouve bien bonne). Le Délit ne se prend pas au sérieux ou pour un média professionnel. Et surtout, il n’aspire pas à le devenir.
Attention – boîte de remerciements
(Interrompez votre lecture si vous êtes du genre à fermer votre téléviseur au moment du discours des gagnants à la cérémonie des Oscars).
Pour terminer cette ode au commencement, un petit mot à ceux qui ont hâte d’en finir. Un immense bravo à toute l’équipe du Délit —et tout particulièrement à Zoé pour sa source de stress hebdomadaire du dimanche, à Julie pour ses autopromos et son iPod, à Mathieu pour son gâteau chocolat-porto, ses trois articles en moyenne par semaine et pour avoir corrigé toutes mes maladresses avec InDesign, à Cynthia pour son calme face aux vagues d’imprécisions grammaticales sur lesquelles les dictionnaires refusent de se prononcer, à Alex pour son immense dévotion à la page 4, à Louis pour nous avoir délaissés pour un stage avec les petits enfants d’Afrique (je crois que je ne m’en remettrai jamais), à Vincent pour ses castors, à Lawrence pour ses tableaux dont il est le tsar, à P‑O pour ses chroniques littéraires qui comptent au moins deux lectrices fidèles (sa « blonde » et moi). Vous valez toutes les mères multiculturelles du monde depuis 1977.