Marie Guyard, née à Tours, quitte la France en 1639 pour s’établir en Nouvelle-France. Elle n’a alors que trente ans. Elle laisse derrière elle son fils, avec qui elle entretiendra une prolifique correspondance jusqu’à sa mort. C’est à Québec, qui compte alors une centaine d’habitants, qu’elle s’installe et fonde le monastère des Ursulines. Elle y deviendra Marie de l’Incarnation.
C’est après près de trente ans d’interrogations et d’études sur le personnage que Jean-Daniel Lafond lui consacre enfin une œuvre. Dans son documentaire Folle de Dieu, le réalisateur offre d’abord au spectateur tous les faits qui ont marqué la vie de l’une des premières mystiques du Nouveau Monde. Il plonge ensuite dans la personnalité complexe de cette femme qui, à la suite d’un songe, trouvera sa liberté spirituelle dans l’abandon de son fils et de sa patrie.
Le film documente aussi la quête de l’actrice Marie Tifo, qui cherche à se mettre dans la peau de Marie de l’Incarnation. Ce travail, soutenu par la chorégraphe Marie Chouinard et la femme de théâtre Lorraine Pintal, mènera à la pièce de théâtre La Déraison d’amour, présentée pour le 400e anniversaire de Québec. Le Théâtre du Nouveau Monde l’accueillera ensuite à Montréal dès le mois de juin prochain. Le texte théâtral sera édité par Jean-Daniel Lafond lui-même à partir des confessions de la religieuse à son fils, des écrits d’une « troublante impudeur. »
Folle de Dieu engendre un dialogue entre l’actrice, des historiens et des écrivains. Le réalisateur va jusqu’à approcher une religieuse appartenant à la congrégation des Ursulines, afin de retracer le portrait de cette femme qui s’est laissée habiter corps et âme par Dieu. Jean-Daniel Lafond lève le voile sur cette union, racontée dans les centaines de lettres qui constituent le témoignage le plus sincère de la foi de Marie de l’Incarnation, et qui prennent vie à travers l’interprétation de Marie Tifo.
Ces lettres font de la mystique une des premières véritables écrivaines de l’époque de la colonisation. Elles sont donc au centre de ce documentaire, qui porte avant tout sur le processus de création comme acte physique et charnel, autant dans l’extase de Marie de l’Incarnation que dans son incarnation par Marie Tifo. Les prises alternent ainsi d’une femme à l’autre, sautant à travers le temps pour mieux les rapprocher.
À certains moments, on ne peut s’empêcher d’être refroidi par les explications propres à la forme documentaire, tandis que l’interprétation viscérale que livre Marie Tifo nous happe entièrement. Avec ses allures de making of, le documentaire Folle de Dieu incite avant tout à se rendre à la pièce de théâtre pour voir l’aboutissement de tout ce travail d’appropriation spirituelle des lettres de Marie de l’Incarnation.