Une vingtaine de personnes étaient présentes pour écouter Johanne de Passillé, agente d’information et de communication du Centre de santé des femmes (CSFM)et Marie-Ève Quirion, agente de mobilisation de la Fédération québécoise pour le planning des naissances. Dans un premier temps, Johanne de Passillé a présenté le CSFM, un organisme communautaire féministe œuvrant dans le domaine de la santé gynécologique depuis 1975. Le CSFM, en collaboration avec des professionnels de la santé, offre un soutien médical gratuit aux femmes, et, entre autres services, des activités éducatives et préventives et la mise à disposition de documents de recherche et de vulgarisation.
La déculpabilisation sociale des femmes qui optent pour l’avortement est au cœur de la mission du centre. Madame de Passillé a dénoncé la grande responsabilité qu’on attribue aux femmes par rapport à la dénatalité au pays, de même que les tabous liés à la contraception qui demeure, selon elle, trop souvent l’affaire de la femme seulement. Mme de Passillé juge que l’importance du soulagement apporté par l’avortement est négligé dans le débat social et éclipsé par les messages négatifs véhiculés.
« La décision de se faire avorter est tout aussi responsable que la décision de mener une grossesse à terme » a‑t-elle affirmé, ajoutant qu’il est grand temps de dédramatiser l’avortement. Mme de Passillé a insisté sur l’importance de la gratuité du service offert. L’acquisition de cette gratuité au Québec a été faite durant les années quatre-vingts, grâce à un recours collectif contre le gouvernement du Québec, recours à la suite duquel les tribunaux avaient reconnu l’avortement comme l’un des services essentiels couverts par l’assurance-maladie. Marie-Ève Quirion a ensuite pris la parole pour aborder la dimension politique de la question, évoquant la mobilisation récente qu’a suscitée le projet de loi C‑484. Déposé par un député conservateur, le projet menaçait indirectement le droit à l’avortement et était parvenu à faire de l’avortement un enjeu électoral.
Cela est signe, pour Madame Quirion, qu’il ne faut pas sous-estimer le poids d’une mobilisation efficace. Soulignant que le projet de loi C‑484 ne constitue pas le premier projet de loi attaquant indirectement le droit à l’avortement, elle a cité l’exemple du projet de loi C‑537, déposé quelques années plus tôt, dont l’objectif visait à donner le droit aux professionnels de la santé de ne pas pratiquer des interventions contraires à leurs croyances morales et cherchait à criminaliser toute institution médicale qui tenterait de les y obliger.
Bien que la plupart de ces projets de lois n’aboutissent guère, ils sont, selon Madame Quirion, plus fréquents que l’on ne croirait. Interrogée sur l’absence de législation explicite autorisant l’avortement dans les lois canadiennes, elle a expliqué que les féministes préfèrent la décriminalisation à la législation. Une législation positive risquerait en effet d’imposer des cadres fixes à la pratique. L’arrêt Morgentaler de 1988, qui a décriminalisé l’avortement, a toujours fait jurisprudence suffisante. Bien que Mme Quirion ait précisé que l’avortement va au-delà de la partisannerie et qu’il existe des députés anti-choix dans tous les partis, elle a fait sentir, au lendemain des élections, que le présent contexte politique présente une menace sérieuse au droit à l’avortement dans notre pays. Étant pris pour acquis par le grand public, mais étant toujours au cœur des débats législatifs, le droit à l’avortement serait même plus menacé que jamais.