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Manger est une expérience culturelle

Il y a de cela deux semaines, je recevais ma famille à souper. Installée depuis peu dans mon nouveau chez-moi, c’était à moi que revenait l’honneur ‑et le stress- de préparer notre fameux repas du dimanche soir. Sept personnes autour de ma table. Et question de me mettre encore davantage de pression, cette charmante réunion familiale tombait pile le soir de l’Action de Grâces. Ce n’était pas parfait, entre autres parce que je me suis rendu compte un peu tard que je n’avais que six assiettes, mais le public a été unanime : « Très bon, Catherine. »

Moi qui suis habituellement plutôt aventureuse en cuisine, j’ai opté ce soir-là pour un repas plus traditionnel. Je vous l’avoue tout de suite : je n’ai pas osé la dinde. Question, tout de même, de rester traditionnelle, j’ai opté pour le poulet, et ça s’est bien passé, merci. Puis, je me suis interrogée sur le pourquoi. Pourquoi est-ce que je n’ai pas préparé du poisson, ce soir-là ? Ou des pâtes ? La réponse est simple, et elle est d’ordre culturel, chers lecteurs ! Parce que je n’ai pu résister à l’appel vibrant de la tradition. Parce que la nourriture, ce n’est pas qu’un aliment, c’est aussi tout un bagage de connotations et de souvenirs, qui évoquent en nous des émotions. Comment expliquer, sinon, l’attachement particulier que plusieurs ressentent face à la « sauce à spaghat » de leur mère ou la tarte au sucre de leur grand-maman ? Proust, déjà, avait compris cette importante association entre nourriture et émotivité avec sa madelaine trempée dans le thé. De la même manière, l’odeur du poulet dans le four et le carré de beurre qui fond sur les patates pilées dans nos assiettes de l’Action de Grâces nous réconfortent. Et cet attachement est purement culturel. La dégustation devient alors une expérience émotionnelle, comme écouter une chanson que l’on aime ou lire un bon roman.

La nourriture est entourée de tout un univers sensoriel, bien sûr, mais aussi émotif et culturel. Plus que cela, elle nous permet d’aller vers nombre de cultures qui nous étaient jusqu’alors inconnues. Et pour cela, il faut dire que les Montréalais sont choyés. La métropole regorge de petits restaurants absolument charmants qui nous proposent des menus provenant de partout dans le monde. Que l’on ait envie de manger grec, italien ou indien, on n’a jamais à aller bien loin. C’est ainsi que, d’un coup de fourchette, on peut mélanger cultures et horizons, passer d’un continent à l’autre et, en un clin d’oeil, revenir à nos souvenirs de froids hivers québécois devant un bon chocolat chaud.

C’est bien la preuve, à mon avis, que manger, c’est bien plus que simplement se nourrir. Au même titre que la littérature, le cinéma ou la musique, la cuisine s’inscrit dans notre parcours culturel et évoque toutes sortes d’émotions qui dépassent largement la quantité de cassonade à incorporer à une recette de biscuits. Manger, je vous le dis, est une expérience culturelle. Ce n’est pas pour rien qu’on parle d’art culinaire ! Évidemment, je ne fais pas ici référence à une soirée où, exténués de vos diverses activités étudiantes, vous vous concoctez en rentrant chez vous un Kraft Dinner savoureux (quoique le phénomène culturel du Kraft Dinner ne serait pas inintéressant à étudier). Qu’on s’entende tout de suite : chaque repas n’est pas un événement. Mais pensons‑y, toutes les réunions de famille, les rassemblements entre amis, les soirées en tête-à-tête, se passent autour d’une table. C’est beau, quand même !


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