C’est le vendredi 28 novembre 2008 qu’aura lieu la journée sans achat. Je vous entends déjà protester : « Moi qui voulais sortir avec des amis, il faudra bien acheter de l’alcool ! Que faire ? » Mais voyons, il s’agit d’en acheter le jour d’avant et d’inviter vos amis à venir fêter chez vous ! Et que dire des « un vendredi sans magasinage ? » ou des « que vais-je manger pour dîner ? », auxquels je répondrai que les magasins sont souvent ouverts plus tard les jeudis également, et que manger au resto n’est pas réellement acheter, tout de même.
Au fond, peu m’importe réellement si vous arrêtez momentanément votre consommation, plus ou moins effrénée selon les gens et les budgets, lors de la journée sans achat.
Ce qu’il est important de considérer, ce sont les fondements même de cette journée bien particulière. Vous répondrez : « On le sait bien, ce sont les quelques hippies-granos-verts-anarchistes-et‑j’en-passe encore actifs dans ce monde qui nous harcèlent ». Tout à fait ! Enfin, espérons que le fait de vous faire dire de freiner votre consumérisme, tout en vous faisant accuser de détruire la planète et de creuser l’écart entre les riches et les pauvres, ne vous harcèle pas trop. Après tout, un hippie qui veut agresser les gens, ça ne s’est jamais vu ! Et puis, en y pensant bien, on voit que le but premier de la journée sans achat est de détruire l’économie ! Bon, d’accord, mauvaise blague vu les circonstances économiques actuelles.…
Disons plutôt que les casseurs de pub (www.casseursdepub.org), promoteurs de la journée sans achat, voient la consommation comme le nouveau moyen de contrôler les masses. Après tout, pourquoi un gouvernement voudrait-il instaurer la charia ou supprimer la liberté d’expression alors qu’il peut laisser les grosses compagnies de ce monde se charger du sale boulot ?
Mais quel sale boulot ? Celui de rendre les gens heureux ? Après tout, qui ne se sent pas particulièrement bien après l’achat d’un morceau de vêtement, d’un jeu vidéo ou d’un bon repas au restaurant ? C’est à en oublier le fait que des femmes exploitées ont confectionné le vêtement, que des enfants ont assemblé les petits morceaux de la console de jeu, ou encore que le restaurant en question ne fait pas de compostage et ne recycle que les canettes vides pour bien paraître, mais pas toutes les boîtes de carton qui s’empilent à l’arrière.
Mais oui, quel sale boulot ? Celui de faire oublier leurs maux aux travailleurs ? Quoi de mieux qu’un téléroman palpitant ou une émission de téléréalité obscène pour dormir sur ses deux oreilles ? Pour oublier l’agonie d’un emploi où ceux d’en haut décident sans vous écouter ? Pour rayer de son esprit les changements climatiques indéniables et leurs causes évidentes ? Pour nous ôter de la tête toute envie de contestation, toute trace de questionnement, de doute, de réflexion…
De toute façon, il sera temps d’acheter mon laissez-passer mensuel pour le transport en commun, alors je ne crois pas pouvoir me priver d’achat. Une chose est sûre : la prochaine fois que je sentirai le besoin d’acheter pour « me faire plaisir », j’y penserai à deux fois. Il ne me sert à rien de vous citer ici les belles choses de la vie, vous savez mieux que moi ce qui vous fait vibrer, rire, chanter et danser. Alors évacuez les magasins et allez vivre ailleurs, voir si vous y êtes.