Jusqu’à l’été dernier, Pastoruri était le premier site touristique d’observation des glaciers du Pérou. En raison du réchauffement climatique, Pastoruri a fermé ses portes, laissant la population locale, dont la santé économique reposait sur le tourisme, incertaine quant à son avenir. C’est entre autres ce que nous apprenait vendredi dernier Jeffrey McKenzie, professeur adjoint d’hydrogéologie du Département des sciences de la Terre et des planètes de McGill, lors d’une conférence donnée au musée Redpath et portant sur les réalités de la fonte des glaces et du réchauffement climatique.
M. McKenzie a d’abord traité de l’Antarctique, montrant à l’aide de graphiques et de supports visuels le mode d’opération du réchauffement climatique dans cette région du monde. « Le phénomène est d’autant plus visible que l’activité humaine est quasi absente sur le continent », a‑t-il souligné. Son enthousiasme était toutefois tempéré par la réalité de la recherche scientifique. « Toutes les observations ne peuvent être expliquées totalement par les scientifiques puisque la dynamique des glaces n’est pas encore tout à fait comprise. Nous ne savons pas comment la fonte des glaces agit et quelles peuvent en être les réelles conséquences sur l’environnement et sur l’activité humaine », a‑t-il rappelé.
Face aux préoccupations de certains concernant la fonte des glaces, le professeur McKenzie s’est voulu rassurant. À la question de savoir si « un Waterworld serait éventuellement envisageable », il a repoussé l’éventualité. Il a cependant indiqué que le niveau des eaux pourrait s’élever à un maximum de quatre-vingts mètres si la fonte des glaces avait lieu à l’échelle mondiale. « La fonte du Groenland provoquerait une élévation de sept mètres tandis que celle de l’Antarctique d’environ soixante-dix mètres », a indiqué le professeur.
Bien que cela puisse paraître alarmant, le professeur McKenzie a noté que « le niveau d’élévation des eaux ne se fera pas de façon homogène à travers le monde. » Des pays comme le Bengladesh et les Pays-Bas, dont l’élévation est inférieure au niveau de la mer, sont les plus susceptibles de souffrir de la montée du niveau des eaux. Certaines régions connaissent au contraire une baisse du niveau des eaux, comme la baie d’Hudson et la baie James, dans le nord-ouest du Québec.
Dans le cadre de ses recherches, le professeur McKenzie se rend au Pérou tous les ans, notamment pour des projets qu’il a menés l’an dernier dans la cordillère de l’Huayhuash. « Notre principale investigation était de savoir combien d’eau provenant des glaciers va se déverser dans la vallée, et de là, combien d’eau se jette dans le Rio Santa », a expliqué le professeur. Leurs recherches portent surtout sur l’hydrogéologie des glaciers de la vallée. Parmi les nombreux résultats obtenus, le professeur McKenzie raconte que les changements climatiques se font ressentir de façon de plus en plus concrète dans la région. Il explique que « la fonte des glaciers adoucit les variations des changements de saisons », et joue donc le rôle d’un modérateur entre les écarts de température.
L’estimation est le principal outil dont disposent les chercheurs afin de mesurer l’impact de la fonte des glaciers. « L’hydrologie n’étant pas une science exacte, il est difficile d’en évaluer l’impact réel », a affirmé le professeur McKenzie, disant qu’il s’agit là d’«une question d’échelle ».
Le glacier du Yanamarey en est un exemple. L’année 1998–99 présentait une évolution normale dans la progression de la formation du glacier (« accumulation ») et, par la suite, de sa fonte (« ablation »), tandis que l’année 2002 ne présentait qu’une « ablation ». Ceci signifie que le glacier connaît une diminution progressive de sa taille. C’est le cas de la plupart des glaciers de la région, qui rétrécissent d’année en année.
De manière générale, le professeur McKenzie tire un bilan qui n’est ni pessimiste ni optimiste, mais tout simplement scientifique. Il n’hésite pas à énumérer les nombreux impacts que la région subira dans les années à venir, sans oublier les problèmes auxquels la population devra faire face. La diminution des eaux chaque année, en plus de leur contamination à certains endroits, forcera les populations à s’adapter aux changements climatiques qui s’annoncent.