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MC Gilles : « Oh que oui ! »

À l’occasion de son spécial quétaine, Le Délit vous plonge dans le merveilleux univers de MC Gilles, un coloré personnage à la moustache bien fournie, surtout connu pour son émission de radio Va chercher le fusil, où il fait jouer semaine après semaine le meilleur de la bouette musicale planétaire. Portrait d’un ambassadeur du quétaine au Québec. 

Dave-Éric Ouellet, de son nom de scène MC Gilles, est un artiste québécois totalement hors normes (et pas seulement pour son nom « très laid et très assumé »). Originaire du village de Saint-Pierre-de-Lamy dans le comté de Témiscouata, il obtient un baccalauréat en sciences politiques à l’Université Laval et devient rapidement responsable du marché aux puces de la ville de Sainte-Foy, « le plus grand au Canada », nous assure-t-il. Cofondateur de la Coalition des radios universitaires, il devient de fil en aiguille directeur général de la station CHYZ à Québec, puis de CISM à Montréal quelques années plus tard. C’est à cette station, la radio étudiante de l’Université de Montréal, qu’il commencera à animer son émission Va chercher le fusil en mai 2004, poste qu’il occupe encore aujourd’hui. Devenu ambassadeur du quétaine malgré lui, MC Gilles contribue depuis plusieurs années à l’émission Infoman, animée par Jean-René Dufort, a écrit de nombreux articles pour le journal La Presse sur des sujets aussi édifiants que le camping Ste-Madeleine et le bingo, et participe depuis quelques temps à l’émission Puisqu’il faut se lever, animée par le très sérieux Paul Arcand. Clou de sa carrière – et coup dur pour l’équipe de La Presse qui l’avaient nommé à l’aube de l’an 2000 parmi les « leaders de demain»-, MC Gilles est l’invité d’honneur de La Fureur country en janvier 2007.
Un concept gagnant
MC Gilles anime tous les vendredis matins l’émission Va chercher le fusil, où il fait jouer sans relâche le meilleur de la « musique de sous-sol » du Québec et d’ailleurs. Ce néologisme, qu’il a savamment inventé pour décrire cette musique autrement inclassable, peut signifier deux choses.  Le terme sous-sol peut d’abord faire référence à toute cette musique des années soixante, soixante-dix et quatre-vingts que l’on n’écoute plus et qu’on entrepose dans son sous-sol en attendant la prochaine vente de garage : c’est la partie nostalgique de l’émission. Le terme sous-sol fait également référence à toute cette musique plus contemporaine, produite par des amateurs dans un sous-sol avec les moyens du bord. « C’est ce que j’appelle la démocratisation de la musique, nous apprend MC Gilles. Aujourd’hui, n’importe qui avec un ordinateur portable et un clavier peut faire de la musique. » De façon générale, on fait jouer à l’émission de la musique qui ne joue nulle part ailleurs, ni à la radio commerciale, ni à la radio indépendante.  Même si c’est en grande partie le caractère risible de ces chansons souvent pathétiques qui attire plus de 10 000 auditeurs chaque semaine, MC Gilles tient à dire qu’il ne considère pas faire jouer de la musique « poche », et qu’il n’a, malgré ses commentaires un brin ironiques durant l’émission, aucun mépris pour les chansons qu’il fait jouer, bien au contraire. « Certains diront que je fais jouer de la mauvaise musique. Non, non ! On ne peut pas juger de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais, tout est une question de contexte (…). Je connais des gens qui m’ont sorti des reliques des années soixante-dix, du rock psychédélique religieux qui sonne mille fois comme du Malajube ! (…) C’est sûr qu’à l’époque l’intelligentsia de la musique a écouté ça et s’est dit que c’était de la grosse cochonnerie, alors qu’aujourd’hui les bien-pensants de la musique vont dire ”wow, ce sont des précurseurs, ça sonne comme Malajube”, par exemple. Tout est relatif. »
Quelles sont les caractéristiques essentielles de toute chanson de sous-sol qui se respecte ? Quelle est l’essence fondamentale de ce style musical encore trop peu exploré ? Est-ce le choix de certains instruments en particulier – clavier Casio, gazou et autres merveilles ? Est-ce la justesse  de la voix de l’interprète, ou plutôt l’absence de celle-ci pour être plus exact ? Serait-ce ces paroles aux rimes astucieuses, voire ambitieuses –par exemple  « T’es un p’tit ange en sucre mais j’crains pas l’diabète, Élisabeth » ? MC Gilles nous assure que c’est d’abord l’émotion brute véhiculée par les chansons de style sous-sol qui les caractérise et les unit en un tout cohérent. Une même chanson country western peut par exemple rappeler à la fois un douloureux passé à certaines personnes plus âgées et en faire rire d’autres aux éclats, mais elle va toucher tout le monde. « Je suis allé au spectacle de Cayouche, et à sa chanson ”Tu m’as flushé dans la toilette de mon cœur”, j’ai vu des gros monsieurs de six pieds trois pleurer. Moi, j’avoue que quand j’écoute une chanson dont le refrain dit ”Tu m’as flushé dans la toilette de mon cœur, tu as tiré la chaîne de notre vie”, je ris ! En résumé, l’objectif est de créer une réaction. Plus le violon cille, plus les mots sont bizarres, plus la voix n’est pas toujours juste, plus le potentiel d’émotion est grand. »
Comment réagissent les artistes dont les chansons passent à l’émission ? « À 99,9%» de façon positive, nous assure MC Gilles. Tous les artistes le moindrement connus possèdent généralement un bon sens de l’autodérision et de la critique ; si tel est le cas, ils sont capables d’accepter que quelques-unes de leurs chansons soient assez ridicules pour passer à Va chercher le fusil. « J’ai déjà fait jouer les Trois Accords, le groupe André, Mara Tremblay, des gens qui ne font fondamentalement pas de la musique kitsch. Mais la chanson ”Le spaghetti à Papa” de Mara Tremblay, veux veux pas, c’est une recette de spaghat ! » Les artistes moins connus ou carrément inconnus du public sont quant à eux très contents qu’on les fasse jouer à la radio, peu importe le contexte. Même si c’est pour rire, les gens vont acheter leurs disques et peut-être venir à leur spectacle. MC Gilles nous raconte avoir été ému de voir Marguerite Bilodeau, une chanteuse de soixante-douze ans qu’il avait invitée à un de ses événements quétaines, chanter devant 250 personnes, étonnée de voir que le public connaissait les paroles de ses chansons par cœur !

Des origines légendaires
Tout a commencé pour MC Gilles par cette passion qu’il a toujours éprouvée pour les objets quétaines de toutes sortes. À l’époque où il était responsable d’un marché aux puces, il entreposait ses trouvailles dans sa grande maison campagnarde. Il se bâtit ainsi rapidement une solide collection d’objets de toutes sortes, dont quelques centaines de disques vinyles qu’il affectionnait tout particulièrement pour leurs couvertures ridicules. Comme il le dit lui-même, « quand ça coûte 25 cents et que ça fait plaisir, pourquoi s’en priver ? » Alors qu’il est directeur de la station CISM, MC Gilles accepte de dépanner « de façon temporaire » en animant une émission le vendredi matin ; il se dit qu’il devrait bien être capable de tenir quelques semaines avec tous ces vinyles achetés à l’origine pour leurs pochettes. Après quelques émissions, surprise ! Les auditeurs en redemandent, et commencent même à envoyer leurs trouvailles personnelles.
Le nom MC Gilles vient quant à lui non pas d’un jeu de mots avec le nom de notre université, comme le laisse présager sa page Wikipedia, mais bel et bien de l’association Sauvons les Gilles, qu’il a fondée avec quelques collègues, à l’époque où il travaillait pour CHYZ à Québec. Alors que des Gilles étaient présents dans toutes les sphères de la société et que ce nom disparaissait progressivement, Dave et ses comparses avaient eu l’idée géniale de fonder une association pour redorer le blason de ce nom oublié, afin que, privée de Gilles, la société ne s’effondre pas. Quand il a cherché un nom d’une autre époque pour faire contraste avec le préfixe MC pour sa nouvelle émission de radio, celui qui allait devenir MC Gilles n’a pas hésité une seconde. Le nom de l’émission, Va chercher le fusil, vient quant à lui d’une expression du très coloré Roger Brulotte, alors qu’il animait les matchs des Expos. Quand le gérant de l’équipe refusait de retirer du jeu un lanceur après un très mauvais match, il disait à son coanimateur : « Jacques, va chercher le fusil ! », suggérant ainsi de l’abattre avant qu’il ne fasse plus de dommages.
Les combats de MC Gilles
La vie de MC Gilles n’est pas de tout repos ; il mène constamment des combats sur plusieurs fronts. Tout d’abord, il se bat pour la conservation de notre patrimoine musical québécois. À sa grande surprise, Radio-Canada s’est mise à l’appeler régulièrement pour lui demander s’il pouvait lui prêter quelques disques. Malheureusement, la société d’État semble s’être débarrassée d’une bonne partie de ses disques vinyles. « Je trouve ça un peu troublant, nous confie MC Gilles, que notre société d’État s’en soit débarrassé ; ça devrait être leur job d’avoir des archives de tout ce qu’on a fait dans l’histoire du Québec. Ça a l’air que c’est rendu moi ! »
Il reste que la lutte principale qu’il mène chaque jour est celle de la promotion du quétaine. Avec sa moustache bien fournie, son chapeau de cowboy, sa Lada rouge et son parler du terroir, il part armé de ses microsillons pour convertir les masses de hipsters stressés qui pullulent aujourd’hui jusque dans les moindres recoins du Québec. « Le combat de l’être humain d’aujourd’hui, c’est l’ego. Tout le monde a un trop gros ego, tout le monde se prend trop au sérieux, c’est fatigant ! (…) Si on veut être heureux dans la vie, être bien, il faut s’accepter tel que l’on est et avoir du plaisir, tout simplement. En ne se prenant pas au sérieux, tout devient drôle, tout devient fascinant, merveilleux. Pour avoir été à CHYZ et à CISM, j’ai bien vu qu’une mode, ça ne dure qu’un ou deux mois. (…) Si j’ai l’air stupide, y’a personne qui va mourir, et au contraire ça va peut-être faire rire quelques personnes et les rendre plus heureuses. C’est ça mon but. »
Pour plus de réflexions philosophiques et surtout, pour pouvoir écouter ses émissions en format mp3, le Délit vous invite à visiter le site web de MC Gilles au mcgilles​.com .

Palmarès gagnant MC Gilles

Normand L’Amour

« Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu’il fait une chanson par jour, ce qui est assez impressionnant. En fait, c’est seulement un Casio avec un beat aléatoire et lui qui chante par-dessus. Deuxièmement, parce qu’il est au Madrid, et qu’il vend ses disques qu’il enregistre lui-même. Troisièmement – et le plus important – parce que même en étant le fou du village, il est à l’avant-garde de toute l’industrie de la musique actuellement. Il était distribué par une compagnie de disque officielle, et il s’est rapidement rendu compte qu’il n’obtenait qu’entre 50 sous et un dollar pour des disques que cette compagnie vendait pour presque 20 dollars.  Il a donc quitté cette compagnie, fait un deal avec le Madrid, et vend maintenant ses disques lui-même. Il fait même un DVD où il raconte sa vie en comédie musicale ! Pour toutes ces raisons, c’est mon numéro un. »

Marguerite Bilodeau

« Pourquoi ? C’est une infirmière chanteuse ! Elle a toujours eu un rêve dans la vie : faire un disque.  Elle n’a malheureusement pas eu la distribution escomptée parce que, bon, ça sonnait comme ça sonnait, mais il reste que c’est une infirmière qui chante, il n’y en a pas d’autres ! À soixante-douze ans, elle chante des chansons comme « Être une infirmière » ou encore « Shalom shalom toutes les infirmières du monde » (en hébreu !). C’est la deuxième artiste que je trouve vraiment spectaculaire, parce qu’elle m’a fait vivre ce qu’était la vie d’infirmière en chanson, et j’avoue que ça c’est touchant. Je l’ai même produite en spectacle à plusieurs reprises déjà ! »

Dany Gig

« Denis Giguère de son vrai nom, c’est un préposé aux bénéficiaires dans la vie. Pourquoi est-il un de mes préférés ? Entre autres parce qu’il a fait un disque intitulé Rempli de soleil – en partant, c’est un titre qui n’a pas d’allure – où on peut entendre une de mes chansons préférées, qui s’appelle « Les framboises ». Là où ça dépasse l’entendement, c’est qu’il m’a envoyé il y a deux semaines un disque remix de cet album, ajoutant une piste de tam-tams à toutes les chansons. C’est tout simplement génial ! »

Mizar

« Pourquoi ? Mizar, originaire du New Jersey, est un autre classique. Je suis le seul à le faire jouer ! Il n’avait pas une cenne et seulement un câble RCA  pour s’enregistrer, alors il a branché son clavier sur le bout rouge et sa voix sur le bout gris, ce qui fait que sur le disque sa voix est à droite et la musique à gauche. En ondes, je disais à la blague que c’était un bon test pour un système de son.  Il a sorti une nouvelle version de son disque avec un mixage plus conventionnel, mais je préfère la première version. C’est presque de l’art contemporain ! »


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