« L’univers est un star-système. » Prophète à sa manière, Plamondon avait vu juste il y a déjà plus de trente ans en anticipant les phénomènes de la course à la célébrité, de l’hypermédiatisation des stars, du terrorisme et de la solitude urbaine propres aux années 2000.
L’histoire de Starmania se déroule à Monopolis. Elle aurait pu se dérouler à New York, à Paris, à Montréal, ou encore dans n’importe quelle métropole occidentale. La ville, brillamment évoquée par les metteurs en scène et scénographes Michel Lemieux et Victor Pilon, est froide, sombre, étouffante. Les projections du tandem laissent voir une cité où les lumières des édifices se substituent aux étoiles et où le métal, le noir et le gris, ne laissent place au rouge que pour évoquer le pouvoir, l’opulence et surtout les éclats de violence. Les orchestrations à la fois simples et somptueuses du chef d’orchestre Simon Leclerc multiplient les allusions, tant aux Planètes de Holst et à Bruckner qu’aux couleurs jazz du Porgy and Bess de Gershwin. Elles contribuent à la création d’un univers troublant et envoûtant et, par leur sobriété, mettent en valeur les textes et les compositions – et surtout l’histoire – de Plamondon et de Berger, tout en soulignant les voix des artistes lyriques, dont le jeu et les élans vocaux sont, disons-le, de la haute voltige.
Les personnages évoluent dans un monde déshumanisé, sans Dieu, où ceux qui gravissent – ou désirent gravir – le grand escalier finissent par sombrer dans la mort, dans la déconfiture ou, encore pire, dans l’oubli. Mais le deuxième acte apporte à cet univers glauque ce à quoi nous ne nous attendions pas : l’humour et l’ironie. En effet, le jeu grandiloquent et volontairement exagéré de Stella Spotlight (Lyne Fortin), se moquant des clichés et des manières affectées des divas, ainsi que le duo – il faut le dire, jouissif – de Zéro Janvier (Marc Hervieux) et de Spotlight, souligne à forts traits et à notre plus grand plaisir l’absurdité de l’ego trip et tournent au ridicule le culte de la vedette. Mais l’humour de deuxième et de troisième degrés laisse bientôt place à la tragédie. Celle de la mort, de la déchéance et de l’irrémédiable solitude : « Au bout du compte, on est toujours tout seul au monde ».
Dans le vide et le noir, seule sur scène et vêtue d’une robe jaune étincelante, Marie-Jeanne (Marie-Josée Lord, naturelle et divine), serveuse à l’Underground Café, entonne avec sensibilité et sincérité Le monde est stone : « J’ai plus envie de courir / Comme tous ces automates / Qui bâtissent des empires / Que le vent peut détruire / Comme des châteaux de cartes. » Jamais le propos de Plamondon n’aura sonné aussi vrai en ces temps de crise économique. La représentation se termine sur les mots de la serveuse, chantés avec douceur, d’une voix céleste : « Je cherche le soleil ».
Au final, Starmania s’élève grâce au dépouillement, à la force d’évocation des moyens utilisés et au lyrisme, et trouve, plus que jamais dans cette version, sa pertinence et son essence. À redécouvrir absolument !