La Commission des affaires francophones (CAF) de l’Association des étudiants de l’Université McGill a tenu une réception au Thomson House mercredi dernier pour commémorer le 40e anniversaire du mouvement McGill français. Le 28 mars 1969, l’Université McGill avait connu l’une des plus grandes démonstrations populaires des années soixante, lorsque quelque 10 000 nationalistes, ouvriers, syndicalistes et étudiants participaient à une manifestation afin d’exiger le bilinguisme au sein de l’Université McGill. La CAF s’en est souvenue. Retour quarante ans en arrière.
« Il faut ici, je crois, se rappeler l’époque », dit M. Mark Wilson, ancien étudiant à McGill et rédacteur en chef du McGill Daily lors des événements. « Rétrospectivement, je dirais que nous étions arrivés à un moment critique de la Révolution tranquille, cette époque où le Québec semblait rattraper cent ans de retard en cent mois, ou presque », raconte-t-il. La manifestation, baptisée « Opération McGill » et devenue par la suite « McGill français », avait été préparée pendant trois mois. M. Wilson, se rappelant la tension qui régnait à la manifestation, a laissé un témoignage poignant. « Nous redoutions un affrontement violent avec la police. Ces craintes avaient été de plus en plus encouragées dans les jours précédant la manif par tout un [tapage] médiatique prévoyant [un affrontement]. En arrivant devant McGill, on voyait sur le campus des centaines de policiers en rangs serrés, armés jusqu’aux dents, tout droit sortis d’un film d’Eisenstein. En même temps, tout en appréhendant le pire, on jubilait. »
M. Carman Miller, qui enseignait à l’époque l’histoire canadienne, s’est également exprimé : « le Canada était prospère et changeant. J’avais choisi d’enseigner à McGill pour Montréal, et non pas pour McGill. Montréal était l’endroit idéal pour voir le changement arriver et McGill était l’objet idéal pour rendre l’éducation accessible. L’Opération McGill avait un agenda social », estime-t-il.
Le tour d’horizon a été complété par M. Laurier Lapierre, qui enseignait également à McGill lorsque survint la manifestation. Pour cet ancien sénateur, il s’agissait d’avoir une « administration bilingue [afin qu’elle puisse] s’associer aux idées sociales québécoises », martelant que « vous ne pouvez pas être au Québec sans être du Québec. » M. Wilson, lui, prône l’ouverture. Il « croit [que la manifestation a] donné une forte impulsion à un débat de société sur l’accès des jeunes Québécois au capital intellectuel représenté par McGill, sans parler de l’accès des mcgillois au capital intellectuel québécois ».
À ce jour, l’université a pris de nombreuses mesures afin d’accommoder les étudiants francophones au sein du « monstre sacré » de l’élite anglophone, selon le terme de M. Wilson. Pour Hugues Doré-Bergeron, étudiant en droit et membre de la CAF, des progrès ont été faits, mais il y a une « perte de vitesse dans la mesure où il y a une perte d’étudiants francophones. » Il est d’avis que « ce serait à l’université de faire d’abord [plus] d’efforts » pour attirer plus d’étudiants de langue française. M. Doré-Bergeron déplore aussi que « l’implication des étudiants francophones est assez mince », poursuivant que « notre plus gros défi est d’aller chercher les francophones ».
L’Université McGill a beaucoup évolué depuis ces quarante dernières années et la CAF, du haut de ses deux ans, a pour but de mettre en place une myriade de services pour les étudiants francophones. Cependant, Alana Boileau et Amélie Gouin, toutes deux commissionnaires de la CAF, regrettent que l’administration n’ait pas supporté la réception de mercredi parce que, disent-elles, « elle sème la controverse. »
C’est finalement dans une perspective de progrès et vers une célébration du bilinguisme que la CAF a tenu cette réception, afin de maintenir le dialogue –bilingue, s’il vous plaît– avec l’administration de McGill, et pour que le bilinguisme soit perçu comme une richesse culturelle, un privilège et une chance pour les étudiants.