J’ai vu Slumdog Millionaire avec ma famille samedi dernier, et je crois que l’exclamation de mon père à la fin du film représente bien notre sentiment à tous après ces quelque cent vingt minutes d’action : « Wow, c’est donc bien essoufflant ce film-là ! » Pas une seconde de répit dans ce long métrage haut en couleurs. En regardant la page Wikipédia du film – mais qui est donc cette beauté qui joue Latika ? Doit-elle détrôner Penelope dans mon palmarès ? – j’ai appris que le film avait non seulement remporté l’Oscar du meilleur film, mais également celui – vous me voyez venir avec mes gros sabots – de la meilleure musique et de la meilleure chanson, écrites par un certain Allah Rakha Rahman. À bien y penser, et surtout en réécoutant des extraits de la bande originale du film sur Internet, c’est bien vrai que la musique apporte beaucoup à cette oeuvre. Cette musique très crue, très urbaine, est apparemment créée dans le seul but d’être jouée très, très fort, pour enterrer le brouhaha incessant de Mumbai. D’où le sujet de cette ultime chronique : la musique au cinéma.
La musique a une emprise très puissante, comme magique, sur nos émotions. Je vous invite à réaliser une petite expérience, car que de fois vous avez été mes dociles cobayes cette année, chers lecteurs ! Sur Youtube, cherchez les termes « Nearer my God to Thee ». Cliquez sur le premier résultat de la recherche et fermez les yeux. Cette musique vous rappelle-t-elle des souvenirs ? À moins que vous n’ayez vécu sous une roche ou dans un recoin de la bibliothèque McLennan au cours des dix dernières années, vous aurez reconnu la chanson que jouait le quatuor à corde alors que le Titanic coulait dans le très populaire film de James Cameron. Vous vous souvenez tous de cette séquence, qui semble avoir été scientifiquement conçue pour faire éclater en sanglots un public de jeunes adolescentes à leur sixième visionnement : le quatuor joue sur le quai, le capitaine attend la mort dans sa cabine, le concepteur du navire fait de même dans le grand salon, un couple de vieillards dans leur lit, pour finalement en arriver au coup de grâce, la mère qui raconte une histoire à ses deux enfants dans une cabine, tous condamnés à périr sous peu. Et voilà, vous pleurez ! C’est ce qui est merveilleux avec la musique de film : même plusieurs années après l’avoir vu, le simple fait d’entendre la chanson nous fait revivre exactement les mêmes émotions que lorsque nous regardions le film.
Et des chansons comme « Nearer my God to Thee », il y en a plein ! On a qu’à penser aux chansons du Kronos Quartet nous rappelant les images ma foi troublantes de Requiem for a Dream, ou encore aux chansons enjouées du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain qui nous mettent instantanément le sourire aux lèvres. Que seraient la série Star Wars, Jurassic Park, Hollywood tout entier, tiens, sans la musique de John Williams ? Pouvez-vous imaginer un film de Quentin Tarentino sans trame sonore ? Moi non plus.
Il y a cependant une distinction importante à faire entre la musique destinée au grand écran et celle qui n’est destinée qu’à notre système de son. La première complète l’image, alors que l’autre est conçue pour briller d’elle-même. La distinction est particulièrement flagrante quand on écoute la trame sonore d’un film qu’on n’a jamais vu : c’est plate ! D’où cette dernière recommandation musicale, une pièce qui brille de tous ses feux seulement dans nos oreilles, mais qui me touche comme peu de films l’ont fait : « Die schöne Mullerin » de Schubert, chanté par Dietrich Fischer-Dieskau. Si cette année vous n’aurez découvert que cette pièce-là grâce à moi, eh bien je serai comblé.