Vous souvenez-vous de vos premières journées d’école, lorsque vous attendiez impatiemment que l’autobus jaune vous transporte loin des mains affectueuses de votre mère qui ne cessait de vous tripoter les vêtements jusqu’au moment où se refermait la porte du transporteur ? Il est fini cet âge tendre ; l’autobus jaune n’apparaîtra plus au coin de la rue et ça fait un bail que maman ne s’occupe plus de ce que vous vous mettez sur le dos. Comment retrouver cet état de béatitude enfantine devant ces premiers jours de retour à l’école ? À vélo !
Paul Hamelle, dans le Progrès illustré, disait déjà de la bicyclette en août 1895 : « Par elle [la bicyclette], l’individu, affranchi une heure du joug professionnel, retrouve conscience de lui-même, de son moi oblitéré au frottement de tant de forces étrangères, hostiles : le civilisé reprend contact avec la nature et avec sa nature. Le sédentaire sent se réveiller en lui le nomade ancestral. La bicyclette mêle un peu d’aventure et de poésie à notre vie si prosaïquement réglée…» Ainsi, les mots de Jacques Mauprat dans l’éditorial du 13 septembre 1891 du Progrès illustré n’auront jamais été aussi vrais : « Notre fin de siècle appartient à la bicyclette ».
Avec l’implantation des BIXIs et d’un service de location autonome de bicyclettes à Montréal cet été, la ville serait-elle devenue le lieu bucolique pour les cyclistes, comme le journal torontois The Star l’a déclaré (« the city [Montreal] is a cyclist’s paradise »)? Montréal est-elle réellement un modèle à suivre ? Le Délit, dans l’afflux des bicyclettes pour la rentrée, s’engage à faire le tour de la ville et de la question.
En Ville
Vélo-Québec
Plusieurs organismes et ateliers québécois se relancent pour faire, tour à tour, rouler la jeunesse. À commencer par Vélo-Québec (VQ). L’organisme sans but lucratif se cache derrière les annuels Tour de l’île et Tour de la nuit, qui ont permis à plus de 35 000 bicyclettes de se rencontrer lors de l’édition 2009. VQ est également responsable de l’existence de la Route verte qui s’étend sur la longueur de la province. Si la National Geographic Society a, en mars dernier, attribué le premier prix à cette route ‑la plaçant ainsi devant les véloroutes du Chili, d’Italie et de la France- VQ en est maintenant au « parachèvement et à la supervision de l’entretien », comme l’indique Jean-François Pronovost, directeur général de l’association. La Route représente quelques 4 000 kilomètres de voies cyclables et en représentera éventuellement 4 300, soit plus que toutes les autres pistes cyclables en Amérique du Nord. Raison de plus pour l’utiliser.
Depuis quelques quarante ans, VQ se donne pour mission sociale d’améliorer la santé, l’environnement et le bien-être des Québécois, notamment par le biais de différentes activités ayant trait à la bicyclette. Si Vélo-Québec s’engage à être présent sur le territoire provincial, plusieurs autres institutions locales offrent leurs services.
À tort ou à raison, le titre de « métropole du vélo » est attribué à la Ville de Montréal. On le justifie du fait qu’elle accueille chaque année leTour de l’Île à vélo, qui rassemble un nombre record d’adeptes du deux-roues. Néanmoins, elle compte sur son territoire de nombreux autres ressources.
Mile-End Bike Garage
Le Mile-End Bike Garage est un atelier de coopération qui s’affaire à vulgariser la mécanique du vélo. Une contribution mensuelle de cinq dollars vous ouvre la porte à tout le savoir des mécaniciens bénévoles qui travaillent dans un des quartiers les plus estudiantins de la ville.
www.crasseux.com/bikegarage
135, Van Horne, 2e étage
Santropol Roulant
L’atelier communautaire SantroVélo, situé sur le Plateau Mont-Royal, offre un espace pour tous les cyclistes qui souhaitent effectuer de manière relativement autonome la réparation de leur vélo, moyennant une somme de cinq dollars pour chaque utilisation, ou quinze pour une saison.
ww.santropolroulant.org/2009/F‑ateliervelo.htm
4050, rue Saint-Urbain
L’arrondissement du Plateau Mont-Royal est un réel exemple à suivre en matière d’initiatives écologiques. Michel Tanguay, porte-parole, révèle que l’arrondissement est responsable des campagnes promouvant le partage de la voie publique avec les affiches « Ma rue n’est pas une piste de course » et « Pédale avec ta tête ». L’élargissement des trottoirs, l’ajout de dos d’ânes et de stationnements à vélo ne sont que quelques gestes parmi tout un plan exemplaire sur la question des déplacements urbains.
La Voie Libre
La Voie Libre (en anglais, Right to Move) est un organisme sans but lucratif visant à rendre au cyclisme toute l’accessibilité qui lui revient. Il organise des ateliers d’entretien et de réparation et donne aux usagers des conseils sur la mécanique générale, en échange d’une contribution annuelle de vingt dollars pour assurer ses services.
www.rtm-lvl.org
Sur la ruelle entre Bishop et Mackay, et entre Sherbrooke et Maisonneuve
The Flat
Le collectif de vélos de McGill, The Flat, a tout le nécessaire pour vous aider à réparer votre bicyclette. L’atelier de réparation et de formation cherche à stimuler l’intérêt pour le cyclisme par le biais du partage de connaissances et d’outils. Des volontaires et des mécaniciens sont disponibles durant les heures d’ouverture, à savoir les lundis, mardis et jeudis de 17 h à 20 h. On y recycle et réutilise certaines parties du vélo, et on y offre plusieurs ateliers techniques.
www.theflat.wordpress.com
Sur le campus
McGill soutient réellement l’effort pour accroître l’accessibilité du campus aux cyclistes. Radu Juster, architecte au Bureau de planification et d’analyse institutionnelle de l’université, dévoilait les prochains plans qui ont trait aux cyclistes. À ce jour, le campus offre 1 324 places de stationnement pour les bicyclettes. Lors des périodes les plus achalandées, soit jusqu’en octobre et en avril, les espaces semblent manquer, surtout avec les constructions au Milton Gates et au James Square.
Les questions de sécurité soulevées en 2008 dans un sondage ont été réglées avec l’implantation d’un meilleur système de stationnement à vélo. D’ici la prochaine rentrée, en 2010, les étudiants peuvent s’attendre à l’aboutissement du parcours cyclable reliant les côtés est (University) et ouest (McTavish) du campus et à l’installation d’espaces de stationnement verticaux (système un peu gênant au premier abord, mais qui nécessite peu d’espace) qui seront placés le long des murs des édifices. Seront également réaménagés les espaces de stationnement dans le garage du 3610, McTavish. Des différends au sein de l’administration en matière de protocole ralentissent le projet.
Sur cette question, Rebecca Dooley, vice-présidente aux affaires universitaires de l’AÉUM, se dit satisfaite des mesures initiées par l’administration mcgilloise pour rendre son territoire plus vert et plus accessible pour les cyclistes. Elle ajoute aussi que les BIXIs qui environnent le campus vont certainement être un incitatif pour que tout tourne au mieux.
Pour vos courts déplacements
Les BIXI-clettes ont d’abord été lancées dans huit arrondissements, et plus densément au cœur du Plateau-Mont-Royal, de Ville-Marie et de Rosemont-La Petite-Patrie. On y prévoyait le plus grand achalandage, en raison de la proximité des universités et des cégeps et du plus grand nombre de stations de métro.
Stéphanie Gosselin, coordonnatrice aux communications et marketing, déclare que l’équipe est satisfaite des résultats du premier trimestre d’existence des BIXIs. À la fin de l’été, il y avait eu 635 000 déplacements et plus de 9 000 membres. Entrant dans une seconde phase, qui doit rendre disponible un total de 5 000 bicyclettes, BIXI devrait pourtant revoir quelques aspects du projet. En effet, les BIXIs se sont avérés être construits à partir de bons matériaux, mais leur structure interne ne saurait compenser les autres défauts dont ils souffrent. D’abord, les longues excursions, à savoir celles qui durent plus de trente minutes, nécessitent un grand budget. Votre première demi-heure vous coûte 5 $ + 1,50 $, puis le taux diminue après chaque trente minutes, mais il vous faut revenir à une borne avant que le temps s’écoule si vous ne voulez pas payer de suppléments.
Madame Gosselin nous rappelle que les BIXIs sont faits pour des courts déplacements et non pour de longues excursions, d’où le nom composé de « BIcyclette » et « taXI ».
Pour l’instant, BIXI n’offre aucun (vrai) forfait pour les utilisateurs du Service de Transport de Montréal.
Mis à part ses imperfections techniques (des bornes toujours remplies, le bouton de dépannage accidentellement déclenché, etc.), BIXI, premier récipiendaire du prix Thomas Edison 2009 pour le développement durable et l’énergie, est réellement une avancée en fait de promenade urbaine.
Pour votre sécurité
Bien que la conduite d’un vélo n’exige plus la détention d’un permis de conduire, comme c’était le cas au dix-neuvième siècle, il n’en reste pas moins qu’il faut s’armer de prudence en sillonnant les rues de la ville. M. André Durocher, officier du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), nous éclaire sur les codes obligatoires (ou non) de la conduite à vélo.
En matière de sécurité et de transport, l’intégralité de la province de Québec est régie par le Code de la sécurité routière. Pourtant, les villes et arrondissements québécois peuvent également légiférer en ce sens, « et c’est ce qui complique un peu les choses. Vous pouvez contrevenir aux règlements municipaux, sans enfreindre le Code ». À titre d’exemple, M. Durocher explique que le port du casque n’est pas prescrit par les lois provinciales, mais les arrondissements de Westmount et de Côte St-Luc, à Montréal, le rendent obligatoire.
« On reçoit chaque jour des plaintes de la part des cyclistes par rapport aux comportements des automobilistes, et vice versa. Charité bien ordonnée commence par soi-même », rappelle-t-il.
Il enchaîne sur des notes plus légales, indiquant qu’il est proscrit de :
– dépasser un autre cycliste lorsqu’un panneau en indique l’interdiction ;
– écouter votre mp3 (quoique rien ne vous interdise pour le moment de discuter sur votre téléphone portable);
– d’enfreindre le code de la route ;
– d’être plus d’un cycliste par siège de bicyclette.
Une infraction au Code de la sécurité routière peut entraîner des amendes dont le montant dépend de la gravité du manquement. Toutefois, aucune infraction ne pourrait entraîner une confiscation.
Les officiers de la SPVM redoublent d’efforts en haute saison et dans les quartiers achalandés. En collaboration avec la Ville, ils font des campagnes publicitaires rappelant l’importance de la sécurité « au guidon », des cadets font de la prévention et des patrouilleurs circulent à vélo dans les rues de Montréal.
Interrogé sur le fait que l’arrivée des BIXIs pourrait entraîner une baisse du port du casque, M. Durocher a soulevé le problème de l’impossibilité de proposer la location de casques avec celle des vélos, pour des raisons d’hygiène.
Il ajoute que pour optimiser à la fois la sécurité des cyclistes et des usagers de la route en général, on ne pourrait légiférer davantage ; toute recommandation ne peut nécessairement se traduire sous forme de loi. Étant lui-même professeur à l’Université, il raconte qu’à l’intersection des rues McGill College et Sherbrooke, plusieurs élèves traversent en se concentrant davantage sur leur BlackBerry que sur la route. « Ces étudiants sont responsables de leur sécurité, même s’ils ont priorité de passage. Ils ne peuvent faire fi de l’environnement, ils se doivent d’être alertes, puisqu’ils ne peuvent se permettre de prouver leur priorité de passage au coût de leur vie. »