Patrick Eudeline, aujourd’hui « écrivain rock»–terme aussi indispensable que l’auto-proclamation « poète-rock » de Lucien Francoeur–, collaborateur à la revue française Rock and Folk et anciennement guitariste au sein des groupes Asphalt Jungle et Angel Face, a publié en 1977 un livre intitulé L’Aventure punk.
Encensé par la critique et considéré à ce jour comme un « classique » dans son genre, L’Aventure punk m’a personnellement laissé de glace par son romantisme juvénile et son côté wannabe William S. Burroughs. Sincèrement, ça donne à penser que l’auteur se caressait le gourdin en regardant Lou Reed sur les pochettes du Velvet et en se disant : « Rien à foutre de la vie, je suis un rebelle intello. »
Mon sens critique est ouvertement biaisé en ce qui a trait à ce livre et à ce qu’il proclame, soit : merci jeunesse des années 1990, merci cynisme post-grunge et puberté passée à chercher quelque chose contre quoi couiner. Même avec une remise en contexte, je trouve ça carrément babouin. Celui ou celle qui a dit que, « à défaut de savoir jouer du rock’n roll, les Français savent en parler dans leur littérature », peut aller se rhabiller. Il faut tout de même reconnaître qu’Asphalt Jungle et les Angel Face étaient deux bons groupes et qu’Yves Adrien, auteur de Novövision, a fait l’éloge de Teenage Jesus and the Jerks avant presque tout le monde (désolé buddy, Lester Bangs l’a fait en premier).
Cela dit, si on traverse l’Atlantique et que l’on recule de quelques décennies, la province de Québec a elle aussi enfanté un « écrivain punk » – le terme est à se flageller, toutes mes excuses– répondant au nom d’Alain Cliche. Cliche est l’auteur de deux romans autobiographiques intitulés Accro Vinyle et Normal !, publiés aux Éditions Trois-Pistoles, respectivement en 2006 et 2009.
Alors qu’Accro Vinyle est une collection de chapitres qui passent en revue des escapades et des roadtrips visant à élargir sa collection de disques –le tout en prenant soin de relater des anecdotes qui passent du trip de PCP à une branlette de fond de sous-sol ou à un premier amour–, Normal ! présente, quant à lui, une version longue et bonifiée de ce qu’Accro Vinyle se contentaite d’effleurer. De plus, Normal !, même s’il s’annonce initialement un peu trop « Eudeline » dans le style romantico-anarchiste, semble perdre ce côté écrivain juvénile après les premiers deux ou trois chapitres.
Par-dessus tout, ce que Cliche a de plus rafraîchissant, c’est le fait qu’il ne traite pas de l’éternel cercle masturbatoire –ou circle jerk, en anglais, à l’image du groupe américain– Velvet-New York Dolls-Sex Pistols. Ses références musicales passent autant par des groupes bizarro-proto-et-ou-post-punk tels The Residents, Half Japanese, Snakefinger, The Dance ou James Chance, que par des classiques new wave comme P.I.L., Devo ou Generation X.
J’espère que vous êtes convaincus, parce que la passion de Cliche pour la musique et le fait qu’il ait grandi à Québec m’inspireront le sujet des prochaines colonnes du « Bâton », dans lesquelles je traiterai de l’histoire de la new wave/punk/post-punk à Québec et à Montréal.