Aller au contenu

Q‑PIRG : Le Délit pour l’intérêt public

Peut-être avez-vous reçu cette semaine, comme nous, un courriel vous invitant à vous retirer du paiement de la cotisation pour le Q‑PIRG (Quebec – Public Interest Research Group), un groupe étudiant autonome financé directement par les contributions des étudiants McGillois. Le Q‑PIRG, qui s’est donné comme mission « d’effectuer de la recherche, de l’éducation et des actions sur la justice sociale et environnementale à l’Université McGill et dans la communauté montréalaise », aurait, selon ses détracteurs, lamentablement échoué puisqu’il supporte des groupes « radicaux et marginaux ».

Primo, il nous semble discutable que les canaux officiels de communication des départements se chargent de diffuser de tels messages à caractère essentiellement politique et controversé. N’est-ce pas là une prise de position de la part d’un département ? D’autant plus qu’au-delà des arguments soulevés par les détracteurs et les partisans du Q‑PIRG, il nous semble tout aussi discutable que cette campagne soit menée de front par le Speaker du Conseil législatif de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM), qui est tenu de respecter un certain devoir de réserve, ou du moins une apparence d’impartialité. Le Speaker est responsable d’assurer le respect des procédures lors des réunions du Conseil, et sa légitimité est fondée de prime abord sur son impartialité. De telles prises de positions publiques –et pour le moins controversées– ne sont pas sans conséquence. En s’associant à certains groupes du campus et en s’opposant à d’autres, il se retrouvera dans une posture de conflit d’intérêts dès lors où le Conseil aura à se prononcer sur une question qui touche l’une ou l’autre de ces associations.

Deuzio, la campagne anti-Q-PIRG semble découler non pas d’une critique du fonctionnement du groupe comme il l’est affirmé dans la lettre ouverte publiée sur la toile, mais plutôt d’un désaccord avec les opinions émises par certains des groupes de travail affiliés à Q‑PIRG, plus particulièrement en ce qui concerne la question israélo-palestinienne et l’activisme anti-capitaliste. Les critiques émises quant au caractère anti-démocratique et fermé de Q‑PIRG ont été démenties par les responsables de l’association : le support de la population étudiante à la cotisation et au mandat de Q‑PIRG a été réitéré lors d’un référendum tenu tout juste l’an dernier ; l’assemblée générale annuelle et les réunions du Board sont ouvertes à tous les étudiants qui paient la cotisation ; de même, tous peuvent se présenter aux élections. Vu la multiplicité de canaux par lesquels les étudiants mcgillois peuvent influencer la direction que prend le Q‑PIRG, n’est-il pas plus judicieux de s’en prévaloir plutôt que de chercher à le faire carrément disparaître ? De plus, la diversité des groupes de travail –de Greening McGill au Comité des femmes de diverses origines pour la marche du 8 mars, en passant par les Young Jews for social justice– témoigne de l’ouverture de l’association. Reste donc la question des divergences d’opinions entre les organisateurs de la campagne anti-QPIRG et les membres de l’association elle-même. Est-ce là une raison suffisante pour cesser de financer le groupe ? Après tout, nous payons tous des cotisations qui sont distribuées à des groupes dont nous ne supportons pas les convictions. Qui peut se targuer d’être en accord avec les tenants et aboutissants de tous les clubs financés par l’AÉUM ? C’est là le fondement même d’une communauté universitaire diversifiée, vivante, ouverte et axée vers le dialogue et les débats d’idées.

Afin de maintenir la diversité d’idées et d’opinions nécessaire à toute démocratie saine, afin de continuer à donner voix au chapitre aux minorités qui ne sont pas représentées par le  « mainstream of McGill’s student body », afin de soutenir les regroupements étudiants autonomes indépendants qui sont réduits à peau de chagrin par les temps qui courent à McGill, afin de perpétuer le caractère ouvert, libre-pensant, critique et insoumis de l’Université, et pour beaucoup d’autres raisons encore, Le Délit vous invite à appuyer le Q‑PIRG en maintenant votre cotisation de 3,50$ par session (ou 3,00$ pour les étudiants aux cycles supérieurs). Après tout, comme l’expriment avec pertinence les détracteurs du Q‑PIRG sur leur groupe Facebook, au bout de l’année, c’est l’équivalent de quatre paquets de gomme. Ou d’un yoyo. Ou de (presque) un repas au restaurant chinois du Shatner. Pas grand chose, quoi, face au respect et à la défense de la diversité sur un campus qui a des tendances de plus en plus fortes à l’homogénéisation.


Articles en lien