À peine plus d’une semaine après avoir été nommé premier ministre du Japon, Yukio Hatoyama a pu discuter avec Hu Jintao, le président de la Chine, lors de l’Assemblée Générale de l’ONU à New York. Hatoyama a parlé de sa première rencontre avec Hu en ces termes : « J’ai dit que j’aimerais former une communauté Est-asiatique en surmontant nos différences ». Bonne ou mauvaise, l’idée de créer l’équivalent de l’Union Européenne en Asie de l’Est est, disons-le, utopique : avant de réaliser le projet, il faudra surmonter de nombreux différends.
Bien que la Seconde Guerre mondiale ait pris fin il y a bientôt 65 ans, les conséquences de cette guerre sont encore visibles dans les relations entre le Japon et ses voisins. Et ces relations se sont dégradées dans les dernières années, en raison de certains gestes posés par les autorités japonaises. Notamment, les visites de l’ancien premier ministre Jun’ichirô Koizumi au temple de Yasukuni, un temple qui honore les soldats morts pour le Japon, y compris les criminels de guerre, n’ont pas contribué à rapprocher les anciens ennemis. De surcroît, l’attitude révisionniste du pays, qui a minimisé dans certains de ses livres d’histoire l’importance accordée aux atrocités commises par les Japonais lors de la guerre, notamment le massacre de Nankin en Chine et l’emploi de « femmes de réconfort » en Corée, n’a rien fait pour aider. Outre ces blessures d’après-guerre, certains points restent délicats entre la Chine et le Japon : depuis plusieurs décennies, les deux États se disputent le contrôle des Îles Senkaku et les droits d’exploitations des réserves pétrolières entourant ces îles.
La Chine (République populaire de Chine), quant à elle, n’aime pas que ses voisins prennent parti lorsqu’il est question du statut officiel de Taïwan (République de Chine) et du Tibet. Selon le gouvernement chinois, ces deux territoires sont des provinces chinoises. Alors que de son côté Taïwan revendique toujours la souveraineté sur l’intégralité du territoire chinois, le gouvernement tibétain en exil dirigé par le dalaï-lama souhaite quant à lui retrouver son indépendance officielle de la Chine.
La Corée du Nord, toujours aussi mystérieuse et dangereuse, est constamment critiquée par le Japon et la Corée du Sud, qui voient d’un mauvais œil ses essais nucléaires et ses lancements de missiles. Il ne faut pas non plus oublier que le Japon tente toujours d’avoir des explications quant à l’enlèvement de plusieurs citoyens japonais dans les années 1970–80 sous ordre du gouvernement nord-coréen. Si les relations entre la Corée du Nord et la Chine sont relativement bonnes, cette dernière reste parfois réticente à soutenir les décisions japonaises et sud-coréennes.
Beaucoup de problèmes, donc, mais qu’en est-il des solutions ? Les propositions avancées par Hatoyama –par exemple, la création d’un monument commémoratif d’État pour remplacer le temple Yasukuni et le développement conjoint d’un projet d’exploitation du gaz dans la mer de Chine orientale– favoriseront-elles réellement la bonne entente entre les pays Est-asiatiques ? Est-ce que la Chine, le Japon et la Corée du Sud pourront travailler de concert pour la dénucléarisation de la Corée du Nord ? Lors d’une rencontre entre Katuya Okada, ministre des Affaires étrangères du Japon, et son homologue sud-coréen Yu Myung-hwan, Yu a déclaré : « Nous n’oublierons pas notre histoire, mais nous ne devons pas être contraints par notre passé ». Des paroles que les dirigeants des pays de l’Asie de l’Est devraient écouter s’ils souhaitent, un jour, s’approcher d’une « union Est-asiatique ».
Cette semaine, un fortune cookie pour les dirigeants des pays de l’Asie de l’Est : « La tolérance est une vertu qui rend la paix possible ». – Kofi Annan