L’environnement : voilà un mot qui est sur toutes les lèvres, mais qui trouve souvent peu d’écho en matière d’action concrète chez nos gouvernements. Le 6 octobre dernier, lors d’un débat public organisé par le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CREMontréal) et tenu à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), les trois principaux candidats à la mairie –Gérald Tremblay, Louise Harel et Richard Bergeron– ont chacun présenté leur plan de match visant à verdir Montréal. Le Délit vous propose un compte-rendu des réponses apportées par les candidats aux questions du CRE-Montréal et du public.
Moins d’autos en ville
D’emblée, les trois partis se sont déclarés pour la réduction de la place de l’auto en ville et contre le projet de reconstruction de l’échangeur Turcot du Ministère des transports : « J’ai été instantanément contre le projet […] sur des questions de principes. (…) Turcot ne vient pas seul ; c’est le grand projet autoroutier de la fin des années 1950 », a déclaré Bergeron, qui souhaite plutôt voir l’arrivée d’un réseau de tramways et un corridor de bus en ville. Louise Harel renchérit : selon la chef de Vision Montréal, les échangeurs, en plus de favoriser la circulation automobile, isolent les quartiers et enlaidissent la ville. « Nous pensons qu’il existe de réelles alternatives [en transport] qui seront capables de fidéliser les usagers », explique Mme Harel qui, comme son homologue Gérald Tremblay, approuve le projet de TRAMTRAIN. Réduire la place de l’auto en ville n’est pas seulement un geste vert, mais un geste de sécurité. Selon M. Bergeron, « 40% de la population réside près des artères ». Il est donc important de rendre Montréal plus sécuritaire pour les piétons et cyclistes qui renoncent déjà à l’auto et, du coup, inciter d’autres Montréalais à mettre de côté leurs voitures.
Ce ne sont pas seulement les Montréalais qui méritent davantage de protection : bon nombre d’espaces naturels sont présentement menacés par des promoteurs immobiliers, notamment le Mont Royal. Sur ce point, Gérald Tremblay assure la population qu’il demeure en discussion avec des groupes militants comme les Amis de la Montagne et Héritage Montréal et qu’aucun nouveau projet n’est réellement sur la table en ce moment. Louise Harel et Richard Bergeron s’opposent radicalement à tout nouveau projet immobilier sur le Mont Royal. Selon Mme Harel, le Mont Royal constitue un « lieu identitaire » auquel il faut conférer un « caractère institutionnel » ; M. Bergeron, quant à lui, défend le Mont dans son intégrité et s’engage « à décréter un moratoire sur toute transformation » du lieu. Si M. Tremblay défend la protection des espaces verts, cette protection ne peut se faire à tout prix, selon le maire sortant.
En effet, le chef d’Union Montréal soutient qu’il doit travailler dans l’intérêt de la majorité des Montréalais ; si de petits groupes défendent tous les espaces verts de Montréal, la mairie se voit mal céder à toutes les demandes de groupuscules militants : « Ce n’est pas une minorité [de citoyens] qui va empêcher l’investissement [dans des projets pouvant contribuer au] rayonnement international de Montréal », s’exclame Tremblay, qui soutient aussi que le financement des projets verts provient justement de ces investissements, faute d’aide du gouvernement.
Décontaminer Montréal
Le maire a la même attitude devant l’imposition de normes plus sévères aux industries pour améliorer la qualité de l’air : « Il ne faut pas se faire hara kiri non plus », soutient le chef de parti. Louise Harel soutient quant à elle qu’il est possible de rapatrier le pouvoir d’agir –et la responsabilité d’agir– qui se trouve présentement entre les mains du gouvernement du Québec. Selon Richard Bergeron, « un jour sur six, la qualité de l’air est mauvaise à Montréal », entre autres à cause des industries, mais aussi à cause de l’utilisation de poêles à bois en hiver, des émissions de la province de l’Ontario et du transport routier. En 8 ans, le candidat affirme qu’il s’est ajouté 10,000 camions lourds sur les routes montréalaises. « Il faut agir sur chacune des causes [qui affectent la qualité de l’air](…). Bien sûr, il faut faire pression sur les gouvernements, mais surtout, il faut faire quelque chose qu’on est capable de faire. Diminuer la circulation routière, par exemple. Quatre autos sur cinq qui circulent à Montréal sont des transitaires », nous explique M. Bergeron.
Ce ne sont pas seulement les nouvelles constructions qui agacent le chef de Projet Montréal ; selon M. Bergeron, les espaces verts seraient davantage protégés si la ville entreprenait de « débétonniser, désasphalter, désartificialiser » la métropole. Cependant, il n’est pas assez de détruire ; il faut aussi décontaminer. M. Tremblay croit que « pour identifier des solutions [bien adaptées], il faut bien comprendre le problème » : c’est pourquoi, selon le maire, la ville a investi 550 millions de dollars en analyses et dépistages des sols et 150 millions de dollars en ozonation pour rétablir l’équilibre des cours d’eau. Le maire affirme également qu’il tente depuis longtemps d’obtenir de l’aide financière du gouvernement pour pouvoir réparer les bassins de rétention et aménager des parcs, stationnements et trottoirs verts.
Sur la question de la gestion des matières résiduelles, Richard Bergeron croit que la population doit coopérer avec la ville pour réduire la quantité de déchets enfouis. S’il suggère que Montréal pourrait installer des fontaines publiques et augmenter le taux de matières recyclées, il croit aussi que les Montréalais doivent faire attention à leur consommation de produits emballés et embouteillés : « À mesure que l’on recycle un peu plus chaque année, on produit plus de matières résiduelles », regretteil. Gérald Tremblay attend quant à lui des ressources financières du gouvernement du Québec pour améliorer la gestion du recyclage. Il affirme aussi que les bouteilles d’eau sont maintenant interdites à l’Hôtel de Ville et que plusieurs projets pilotes sont en place. Enfin, il annonce un investissement de 128 millions de dollars dans les usines de compostage. Louise Harel critique le taux réel de recyclage atteint par la ville de Montréal (34% sur les 60% demandés par le gouvernement du Québec en 2008) et croit que les disparités financières existant entre les arrondissements pourraient être réduites si la gestion des matières résiduelles était centralisée.
Financer le virage vert
La question à cent mille dollars concerne bien sûr le financement du verdissement de Montréal. Pour atteindre les objectifs qu’il propose, Gérald Tremblay mise sur la taxe sur l’essence ainsi que sur les investissements en provenance de l’extérieur. Avec 5 milliards de déficit au gouvernement provincial et les mêmes difficultés financières au niveau fédéral, Louise Harel veut se tourner vers d’autres sources de financement, tels que des postes de péages qui satisferaient tous les Montréalais, c’est-à-dire qui financeraient les routes autant que le transport en commun. Quand à Richard Bergeron, il ne semble pas croire qu’un virage vert pénaliserait financièrement la ville. L’urbaniste de formation revient à son point de départ : la qualité de vie des Montréalais dépend du démantèlement des autoroutes et de l’aménagement de plus d’espaces verts.
Bref, si l’on résume les points saillants du débat, pour M. Tremblay, ce sont les investissements et le rayonnement international de Montréal qui sont mis au premier plan ; les projets verts ont le feu vert s’ils cadrent bien dans le portrait économique. Chez Mme Harel, il est temps de rencontrer les quotas et de mettre la qualité de vie au premier plan ; ceci est réalisable, selon la candidate, via une saine gestion centralisée. Enfin, M. Bergeron veut complètement repenser Montréal et veut dépasser les quotas minimums qu’il juge insuffisants ; cependant, le plus vert des candidats peine à nous informer sur le financement de ses projets.