Elle s’assoit à son bureau, range les crayons, classe ses papiers en ordre alphabétique, puis par couleur, pour finalement se relever. Les stores sont fermés, elle les ouvre. Ne surtout pas s’enfermer, seule, avec lui.
Un frisson de frustration lui parcourt le corps. Il aurait pu étudier un peu, au moins. À présent elle doit faire face à cette rencontre absurde et le remettre sur le droit chemin afin de lui éviter un échec cuisant.
« Surtout, garde le contrôle. Il ne s’est rien passé. Je n’ai rien à faire des étudiants abrutis au charme délicieusement juvénile. »
On cogne à la porte, trois petits coups dangereusement virils. Elle tire les plis de sa jupe –décidément trop ajustée–, attache un bouton supplémentaire à sa chemise et prend une grande inspiration.
Elle (ultra désinvolte) – Oui ?
Lui (avec un sourire en coin) – Vous m’avez demandé de venir ?
Elle (pâlissant) – … Je vous ai convoqué, oui. Il faut qu’on parle.
Lui – Je peux m’asseoir ?
Elle (se ressaisissant) – Faites comme chez vous. (Sévère) Votre examen de mi-session est absolument désastreux. Vous ne passerez jamais ce cours sans faire d’efforts. (S’emportant) Vous n’êtes clairement pas à votre place en philosophie, je ne comprends toujours pas pourquoi vous restez dans ce cours.
Lui (contemplant ses joues qui s’enflamment et ses yeux scintillants de fureur) – Vous y allez un peu fort quand même. C’est quoi, vous voulez que je vous dise que je reste juste pour vous voir chaque semaine ?
Elle (baissant les yeux et jouant avec son bouton de chemise) – Je n’ai jamais prétendu une chose pareille. Listen. Il faut qu’on mette les choses au clair.
Lui (se demandant si son bouton va tenir le coup) – Vous voulez me prendre en main ?
Elle (mal-à‑l’aise et ne souhaitant que sauter par la fenêtre… ou au cou de l’arrogant bambin) – Écoutez, cette relation est impossible.
(Elle se lève et se dirige vers la fenêtre, contemple mélancoliquement l’automne et ses couleurs sur le Mont-Royal. Il caresse du regard ses courbes sensuelles embrassées par cette jupe juste un peu trop serrée. Soudain, elle se retourne violemment, sa crinière de feu fouettant l’air, et plaque ses points contre le bureau, le regard orageux de la révélation embellissant plus encore son visage d’habitude si paisible.)
Elle – On nous a vus !
Lui (Feignant l’ébahissement) – Non ! Qui ?
Elle (arpentant le bureau) – Mon directeur. Mon poste est en jeu, nous ne pouvons plus nous fréquenter.
Lui (De la voix la plus grave et assurée que lui permettent les émotions qui se bousculent dans son corps… comme en témoigne son pantalon tout à coup très serré) – Oh le salaud.
Elle (retrouvant son sérieux) – Faites un effort pour vos cours. Autrement, il va falloir qu’on s’y mette sérieusement. Maintenant ça suffit, au revoir.
Il se lève en hésitant : ce serait si facile de franchir les trois pas qui le séparent d’elle et de la prendre fougueusement là, sur le bureau, d’arracher ces satanés boutons pour découvrir sa poitrine d’Anglaise… sûrement prisonnière d’un Wonderbra beige, au fond. Il franchit finalement la porte, avec un arrièregoût d’échec dans la bouche.
Elle le regarde disparaître au loin. Ovila, fantasme de sa jeunesse, avec ses mains rugueuses et sa chemise de toile sale, ne l’emportera pas sur la croupe de son étalon sauvage… ou était-ce un simple pinto ?
Pour satisfaire son appétit, elle s’attaque au dessert. Un bon beignet fourré.