En écrivant ma chronique, j’adopte bien sûr le thème de cette édition spéciale du journal, à savoir les régions. À la lumière de la récente décision de la Cour suprême qui a qualifié la Loi 104 d’inconstitutionnelle, il convient de s’arrêter sur la « région » qu’est le Québec au sein du Canada pour pouvoir commenter ce renversement législatif.
Au Québec, un enfant peut recevoir une éducation dans une école publique anglophone s’il a reçu au minimum un an d’éducation dans cette langue. Plusieurs parents envoyaient donc leurs enfants dans un établissement privé pour une année scolaire afin de satisfaire le critère pour le transfert dans une école publique. La Loi 104 prohibait cette manoeuvre. La Cour suprême a déterminé que la Loi 104 allait à l’encontre de la Constitution canadienne qui protège le droit à l’enseignement dans la langue minoritaire, quelle qu’elle soit, selon les circonstances.
La loi visait surtout les enfants nouvellement immigrés dans la province québécoise. Le gouvernement québécois voulait assurer que ces enfants reçoivent sans conteste une éducation en français pour qu’ils puissent, je suppose, mieux s’intégrer dans la société québécoise. Je me pose une question fondamentale à cet égard : la Loi 104 était-elle le meilleur mécanisme pour assurer une intégration efficace des nouveaux arrivants dans la société québécoise et la survie même de cette société, si distincte soit-elle. À mon avis, il faut répondre négativement.
Il faut commencer à questionner la valeur des mesures qui visent la protection de la société et de la culture québécoise quand celles-ci nécessitent la renonciation aux droits linguistiques minoritaires. La dernière fois que j’ai regardé les statistiques, les Québécois francophones étaient en majorité. Alors pourquoi susciter un sentiment d’urgence en adoptant la Loi 104 ? Lorsqu’un enfant nouvellement immigré arrive au Québec, ne serait-il pas naturellement une bonne idée de choisir de recevoir une éducation en français pour pouvoir communiquer dans la communauté ?
L’argument qui veut que la société et la culture québécoises soient menacées ne tient pas la route. Il convient de regarder la situation historique des francophones qui vivent en Ontario, désormais des Franco- Ontariens. Ils sont 0,5 millions sur 10,5 millions d’habitants non francophones. Ils ont pu surmonter une prohibition de l’enseignement du français au début du 20e siècle tout en bâtissant une culture et des institutions qui appuient la communauté. De nos jours, la communauté francophone en Ontario est en toute effervescence malgré sa moindre représentation en termes de population.
Alors pourquoi ce sentiment de grande panique au Québec ? S’il faut vivre sa culture, il ne faut pas le faire en limitant les droits des autres par le biais de lois restrictives. Vivre sa culture veut dire être bien dans sa peau et démontrer à tous par un programme culturel bien développé qu’il fait bon vivre au Québec. Ceux qui choisissent de n’apprendre que l’anglais ne seront que désavantagés par la suite. À cet égard, il faut se rappeler que la langue française pour un immigrant nouvellement arrivé ne le relie pas à la culture québécoise. La langue française est un outil de communication pour lui et la culture québécoise n’est qu’étrangère.
Dans mes prochaines chroniques, je vous proposerai d’autres commentaires sur la question de la langue française à l’extérieur du Québec afin d’éclairer la situation de la langue française au Canada.