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Victoriaville : la victoire économique à tout prix

Alors que la vitalité économique des régions semble en déclin, Victoriaville fait bande à part. Le Délit a discuté avec des intervenants économiques de ce coin de pays pour en savoir plus sur les raisons de son succès.

La semaine dernière, le journal Les Affaires présentait un dossier spécial sur les villes les plus entrepreneuriales au Québec. Selon la publication, Victoriaville occupe la troisième place à l’échelle provinciale et la septième au Canada. Dans le but de dresser un portrait économique de cette ville méconnue des Montréalais, Le Délit a interrogé quelques intervenants de la corporation de développement économique des Bois-Francs.

Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier

Avec 1868 compagnies issues de cinq secteurs différents, la municipalité de Victoriaville affiche le taux d’entreprises en activité par habitant le plus élevé de la province : 5,3 entreprises pour 100 habitants. Ce pourcentage élevé peut laisser croire que la ville constitue un modèle à suivre en termes de lancement de commerce. Selon René Thivierge, directeur général de la Communauté Locale de Développement (CLD), ces statistiques s’expliquent par la collaboration proactive qui existe entre le conseil municipal et les différents intervenants économiques de la municipalité. « Les affaires sont réglées rapidement, les entreprises entrent directement en contact avec les fonctionnaires », explique-t-il.

Sonia Saint-Pierre, agente de communications pour la CLD, ajoute que Victoriaville adopte également une stratégie payante en termes de coopération industrielle. « Nous avons tout pour réussir : les outils, les questions à se poser et les moyens pour y répondre. Nos tables rondes ont lieu sur une base régulière, en petits groupes, pour mieux satisfaire les demandes. » C’est avec ces échanges prolifiques que Victoriaville va de l’avant.

Conjointement, l’efficacité des rendements économiques de la ville relève de la flexibilité de sa structure. En plus d’une nouvelle zone industrielle, la municipalité s’occupe du traitement de l’hydroélectricité et des gaz naturels, ressources déterminantes de l’économie québécoise. Reste que la clef du succès entrepreneurial de Victoriaville ne date pas d’hier. « En 1980, environ 38% de la main d’oeuvre travaillait dans l’industrie du textile ou du bois », selon René Thivierge. Depuis, Victoriaville a fait du chemin pour diversifier son économie. Les requêtes de projets de développement et d’expansion en sont la preuve : elles continuent d’affluer malgré la récession.

Quand l’économique se heurte à l’écologique

M. Thivierge couronne la réussite de Victoriaville par un des moteurs importants de sa sphère économique : le développement durable. Plusieurs industries comme Gaudreau Environnement, Fournitures Funéraires Victoriaville, Canlac, Soteck ou Industek en témoignent : ils investissent tous dans la récupération des énergies de leur entreprise. Soteck, par exemple, permet aux industries québécoises de diminuer leurs dépenses annuelles grâce à des stratégies d’efficacité énergétique impressionnantes.

Fidèle aux stratégies de développement, Victoriaville souhaite également élargir la portée de son économie avec l’extension de l’aéroport régional André-Fortin. Pour Richard Janda, professeur de droit à l’Université McGill et chercheur au Centre de droit international du développement durable, ce projet aide certainement les intérêts économiques de Victoriaville, mais pas ceux du développement durable : « il existe une incompatibilité entre le développement durable et le projet d’élargissement de l’aéroport. Il va à l’encontre du rapport Stern (2006) et du protocole de Kyoto : aucun substitut n’existe pour remplacer les combustibles fossiles des avions. C’est l’environnement qui en paie le prix. »

Si le projet aéroportuaire rompt clairement avec le mandat de développement durable que s’est fixé la ville en plein essor, une question vaut la peine d’être posée : y a‑t-il lieu de triompher si on sacrifie l’espace vert au nom de la bonne expansion de l’industrie ? Selon le professeur Janda, la réponse est claire : « Il faudrait limiter la croissance de ces industries, parce que ce n’est pas en [dépouillant] la ville de ses arbres qu’on contribue à l’essence du développement durable. »

Ceci dit, Victoriaville reste reine en matière d’essor économique industriel. Seulement, il ne faut pas que la ville perde de vue la protection de l’environnement : d’après M. Janda, investir dans une série d’infrastructures déjà existantes, par exemple, reste une solution beaucoup plus durable. 


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