À un certain moment de sa vie, Cat Stevens a renoncé à la musique pour se consacrer à l’Islam, une pratique apparemment isolée, sur le point de devenir obsolète (si l’on exclut le milliard de pratiquants qui ne peuvent pas comprendre le sens du monde) et vouant un culte sanglant au bon dieu du terrorisme de masse. Bon sens oblige, je précise que la dernière phrase était une blague ; vous comprendrez que cette semaine, le Bâton traite d’une expérience cathartique ayant offert l’épiphanie de sa vie au chroniqueur derrière le clavier. Ce qui fait que la musique prendra peutêtre le bord pour le reste de ma vie, au profit de…
Trêve d’introduction, je vous envoie la sauce : je suis allé dans le quartier Dix-Trente avec ma collègue Encyclopédine dans le cadre d’une performance d’art contemporain qui lui permettra d’obtenir son diplôme en pelletage de nuages à l’université des sans campus (baptisée ainsi par les partisans de l’équipe de hockey de McGill, l’université des mautadits riches).
C’est quoi le Dix-Trente ? Honnêtement, si vous n’avez pas entendu parler du quartier Dix-Trente, laissez tomber l’école et inscrivez- vous à l’école de la vie. L’école de la vie, c’est celle qui vous guide vers le droit chemin de vos désirs primitifs, comme celui d’explorer une mini-ville sans habitants, dont l’architecture d’inspiration Le Corbusier se compose à 110% de simili-bois et autres matériaux affectionnés par les parvenus qui fourmillent dans l’immense variété de outlets s’offrant à eux et ce, à moins de deux minutes de leurs villas californiennes de Brossard.
Bon, ti-gars en littérature s’emporte et nous sert son Kool Aid alter-mondialiste. Oui, mets-en, et c’est un mélange extra- poudre orange fluo. Les ami(e)s, ça fait mal ! Spécialement si on considère que tout ce que j’ai écrit jusqu’à maintenant niche sur des faits aussi solides que le rock de Gibraltar…ou bien le rock de Jonas, le gars à l’aise qui propose des moments de moiteur sensuelle à toutes les Marie-Cathy et toutes les Ginettes-ex-blondes-de-bikers du Québec. Le Dix-Trente de Brossard est certain de plaire à tous les fans de chansons de Noël érotico-quétaines (comprenez-moi bien, c’était ça la trame sonore de notre sortie dans cet environnement antinomique), mais l’attrait principal de l’endroit, c’est qu’il est géographiquement situé de manière à exclure les oignons de gauche à tendance progressiste comme moi. L’activité scolaire de ma comparse n’étant pas intéressante pour deux cennes à mes yeux, je plonge donc au coeur de l’action en vous parlant des réactions de la populace locale arborant des cheveux deux tons.
Pour faire une histoire courte, disons que les madames parvenues et leurs joueurs de hockette aux mèches blondinettes affables nous regardaient tels les natives regardèrent Jacques Cartier lorsqu’il planta sa croix dans le sable. Ayant subi les foudres des singes locaux, Encyclopédine me proposa de m’acheter à déjeuner pour me remercier d’être son accompagnateur-chauffeur-amant et m’entraîna d’un unique élan dans l’aseptisé Van Houtte le plus proche (ce qui est bien, avec le Dix-Trente, c’est que rien ne peut pas « ne pas être proche»…autrement dit, si vous vous retournez, ce que vous cherchez est toujours à la même distance par rapport à votre propre carcasse).
Après un moment de délibération et une séance de raclage de fond de poches, cette brave petite m’acheta un bagel au cream cheese, qui localement se prononce « crème t’chizz ». Comble de chance, ces braves chicks aux cheveux deux tons se proposèrent de nous emballer le tout dans deux sacs, de mettre le tout dans un autre sac et de placer le « crème t’chizz » à part dans deux petits cups, car l’environnement n’est pas de taille contre la grande classe du Dix-Trente.