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L’envers du rêve : McGill, l’Oxford du Canada ?

Pour bon nombre d’étudiants, l’expression « Université rêvée » évoque d’emblée les grands noms prestigieux des universités de l’Ivy League américaine ou du « Oxbridge » britannique. Sous des dehors idylliques, ces institutions cachent néanmoins un revers à leur brillante médaille

Le Times Higher Education – QS a récemment publié son classement annuel des meilleurs établissements d’éducation supérieure. Les mcgillois ont eu raison de se réjouir de l’excellente performance de leur université qui s’est hissée au 18e rang mondial. Seulement, un doute persiste. Même si l’on considère McGill comme la meilleure université au Canada, peut-elle vraiment rivaliser sérieusement avec les grandes de ce monde, telle Oxford ?

Il est d’abord intéressant de noter que le système de sélection des futurs étudiants est très différent d’un établissement à l’autre. Alors que le processus d’admission pour Oxbridge (Oxford et Cambridge) requiert des tests d’entrée correspondant au programme d’étude désiré ainsi que plusieurs entrevues s’étalant sur quelques jours, le processus d’application mcgillois paraît d’une incroyable perméabilité. Environ la moitié des candidats à McGill voient leur demande d’admission honorée, alors que cette proportion oscille généralement entre 10% et 30% pour Oxford, dépendamment des programmes. Pour la Faculté des Arts, aucune lettre de motivation n’est nécessaire, alors que cette dernière pourrait aider l’administration universitaire à sélectionner des candidats en tenant compte de leur personnalité et de leurs intentions.

Une autre différence peut être notée au niveau des performances académiques requises. À l’exception du cas des Canadiens anglais, il est relativement facile d’être accepté à McGill. Prenant l’exemple du Baccalauréat International, sur une note maximale de quarante-cinq, McGill exige un minimum de trentedeux alors qu’Oxford en demande au moins quarante. Ainsi, le processus de sélection de McGill paraît bien accessible, même si les attentes académiques une fois admis se montrent à la hauteur d’une grande université.

De plus, une grande différence peut être observée au niveau du fonctionnement académique. A McGill, les cours d’introduction (200-level) sont donnés à plus de 300 élèves à la fois (parfois même jusqu’à 600 étudiants!), et la seule approche personnelle possible prend place durant les conférences, lorsque le cours en offre. Si certains professeurs sont accessibles et disponibles, d’autres le sont beaucoup moins. Il y a donc peu d’homogénéité dans le corps professoral : bien qu’il compte de nombreux professeurs internationalement reconnus, plusieurs ne justifient leur présence qu’à des fins de recherches, pas forcément pour l’enseignement. À Oxford, le nombre d’étudiants par classe dépasse rarement la trentaine. Ce qui est caractéristique de cette institution, c’est son système de Colleges. Rassemblant 500 étudiants en moyenne, ils constituent le centre social et académique de la vie universitaire. Leur petite taille rime avec petite bureaucratie, et approche personnalisée, malgré la grande taille de l’université. Aussi, les séminaires permettent aux étudiants de discuter de façon hebdomadaire, souvent en tête-à-tête, parfois en compagnie d’un autre étudiant, avec leurs professeurs, qui sont bien souvent des leaders mondiaux dans leur domaine d’enseignement. L’approche éducative est ainsi beaucoup plus personnalisée et conséquemment, la réussite académique de l’étudiant, facilitée.

Un autre élément qu’on ne peut éviter d’aborder est le prestige indétrônable de l’Université d’Oxford. L’institution séculaire a produit douze Saints, vingt-cinq premiers ministres britannique, plus de trente leaders internationaux (incluant Bill Clinton et l’activiste birmane Aung San Suu Kyi) ainsi que des dizaines que grands penseurs et philosophes tels que Thomas Hobbes et Jeremy Bentham. Même si McGill a aussi formé un certain nombre de personnalités qui se sont démarquées dans différents domaines et qu’elle aussi, jouit aujourd’hui d’un certain prestige, Oxford se positionne définitivement dans une catégorie à part.

La rançon de la gloire

Jusqu’à présent, plusieurs diraient qu’Oxford semble être un établissement extraordinaire et que chaque université de ce monde devrait atteindre son niveau de rigueur académique et de support professionnel. Seulement, il y a un revers à cette médaille. Tout d’abord, il est à noter que le système d’études supérieures britannique est traditionnellement peu flexible. Ainsi, lorsqu’un étudiant est admis dans un cadre disciplinaire, il est hors de question d’y déroger. De plus, même si un certain nombre de programmes combinent différents domaines d’études (tels que History and English, ou bien Philosophy, Politics and Economics), la majorité des programmes se limite à une seule matière ; prendre des cours horsprogramme n’est pas chose aisée. De son côté, McGill offre un niveau inégalé de souplesse pour une université de calibre international. Le système de Major, Minor, Honours et d’electives permet à l’étudiant qui n’est pas nécessairement certain de ce qu’il désire étudier d’explorer une vaste sphère de champs d’intérêts avant de déterminer sa spécialisation.

Ensuite, il est pratiquement inutile de préciser que le cadre institutionnel d’Oxford est relativement conservateur, ce qui est compréhensible de par sa fierté en termes de valeur historique et patrimoniale. Cependant, l’administration semble toujours privilégier les traditions plutôt que les valeurs progressistes de la société britannique actuelle. Mais qu’en est-il des étudiants ? Traditionnellement, la grande majorité provenait de familles anglo-saxonnes nanties, appartenant aux hautes classes de la société. Toutefois, un système de bourses et d’allocations a été mis en place au cours des dernières années afin d’aider les étudiants britanniques provenant de milieux plus modestes. De plus, plusieurs oeuvres de philanthropie, comme les Rhodes Scholarships, permettent au corps étudiant d’être plus diversifié en donnant la chance aux best and brightest du monde entier de venir compléter leur éducation à Oxford sans tenir compte de leur situation financière ni de leur nationalité.

Enfin, un étudiant à Oxford doit s’attendre à une charge titanesque de travail. Chaque semaine, il doit lire plusieurs ouvrages en entier (souvent écrits par leur propre professeur ou tuteur, alors imaginez la pression!), écrire quelques essais d’une dizaine de pages et assister aux cours et aux séminaires. D’anciens étudiants racontent qu’il est impossible de graduer de l’université sans avoir surmonté au minimum un burn-out. Au moins, les rumeurs racontent que le principe du « work hard party hard » y est bel et bien respecté. A McGill, la charge de travail est exigeante sans être exagérée. L’éducation y est davantage axée sur la compréhension que sur le par-coeur.

En bout de ligne, l’étudiant choisira une école qui lui correspondra dans sa philosophie d’éducation, soit, mais aussi dans sa philosophie de vie. Sa décision sera intimement liée à ce qu’il a l’intention de retenir de son expérience à l’université. Tout le monde n’est pas fait pour l’approche académique d’Oxford : plusieurs quittent l’université avant la fin de la première semaine de cours !

Alors non, McGill ne peut rivaliser avec Oxford. Et ce, tout simplement parce qu’elles sont incomparables. Ce classement ne signifie rien : il serait ridicule de se contenter de la performance académique de leurs étudiants en guise de comparaison car toutes les universités adoptent différentes approches quant à leurs méthodes d’enseignement. Mais justement, en quoi consiste cet éducation ? S’arrête-t-elle seulement aux livres et aux conférences, ou bien comprend-elle également les expériences attachées aux activités parascolaires et différents clubs étudiants ? Comme le dirait Oscar Wilde, tout ce qui vaut la peine d’être appris ne peut être enseigné. 


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