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Quelle place pour le français à McGill

A plea for reconciliation of the two solitudes

Le problème de la faible proportion de francophones n’est pas nouveau à McGill. Certains y voient la logique expression de la nature de notre université, de son histoire… pas nous ! À notre sens, compte tenu de la situation géographique de McGill dans notre province d’irréductibles francophones de l’Amérique du Nord, il est impensable qu’aussi peu d’efforts soient mis en oeuvre l’avant afin de favoriser le bilinguisme de manière concrète dans la vie étudiante. À notre avis, la situation actuelle doit changer ! Mais n’ayez crainte, nous ne nous contentons pas de nous plaindre : des solutions pouvant réconcilier les deux solitudes sont à portée de main…

Une seule langue… ça embrasse mal !

L’histoire de l’Université McGill est intimement liée à la communauté anglophone de Montréal. Venu faire fortune dans le commerce des fourrures suite à la Conquête, plusieurs britanniques et loyalistes ont eu l’opportunité de prospérer au Québec. James McGill, l’un de ces commerçants, a décidé de laisser sa fortune en héritage pour la création d’une université.

L’effervescence intellectuelle de l’Université McGill au cours de son histoire a mené à plusieurs découvertes et contributions majeures sur le plan académique, ce qui a participé au développement d’une réputation d’excellence qui se maintient toujours aujourd’hui.

L’Université McGill est donc un des établissements scolaires les plus prestigieux en Amérique du Nord, et probablement l’établissement québécois le plus reconnu à l’étranger. Ainsi, McGill, emblème du Québec dans le monde, est un établissement unilingue anglophone. A l’exception de la faculté de droit et bien sûr du département de langue et littérature françaises, l’université québécoise la plus reconnue n’offre pas à ses étudiants la possibilité d’étudier en français.

Le français devrait-il être offert dans tous les programmes ?

Il faut rappeler que le français est la seule langue officielle du Québec. Malgré cela, seulement 17.5% des étudiants de McGill ont le français pour langue maternelle, un pourcentage qui a été en baisse constante au cours des dix dernières années. On peut sans doute prétendre qu’une plus grande place faite au français rapprocherait McGill des Québécois francophones, mais il s’agit de savoir jusqu’où aller pour ne pas toucher les éléments qui sont essentiels à la prestigieuse réputation de McGill.

Qui a de meilleures performances ?

bilingualismSASHA Le bilinguisme en milieu universitaire n’est pas une voie inconnue. La plus célèbre institution bilingue est l’Université d’Ottawa, qui s’est auto-proclamée « l’Université canadienne ». Tous les programmes de cette université sont offerts dans les deux langues. De par une loi provinciale, l’Université d’Ottawa s’engage à « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme » et à « préserver et développer la culture française en Ontario ». Tous les étudiants peuvent ainsi compléter leur programme dans la langue de leur choix et le bilinguisme est la norme dans toutes les communications et tous les services offerts par l’université. La dualité linguistique est même encouragée par des programmes d’immersion française au premier cycle et des exigences linguistiques aux cycles supérieures. Une commission permanente des affaires francophones et des langues officielles, élue par le Sénat de l’université, veille au respect de la mission de bilinguisme de l’université. Malgré un recul continu du pourcentage d’étudiants francophones dans l’université, celle-ci entretient tout de même un équilibre qui permet aux deux communautés linguistiques de fréquenter une institution dans laquelle un anglophone se sent aussi à l’aise qu’un francophone.

L’Université d’Ottawa, un idéal inapplicable au Québec et à McGill, êtes-vous tentés de répondre ? Pourtant McGill a un joyau de bilinguisme au pied de la montagne : sa propre faculté de droit ! En effet, la faculté possède une politique de bilinguisme passif : chaque étudiant se doit de pouvoir comprendre le français s’il est de langue maternelle anglaise et vice-versa. Dès la première année, tous les cours sont offerts dans les deux langues et le choix revient à l’étudiant. Par la suite, certains cours restent offerts dans les deux langues, mais la majorité est proposée dans une langue ou dans l’autre exclusivement. Concrètement, cette politique fait en sorte que l’étudiant peut en tout temps poser des questions, écrire ses travaux et rédiger ses examens en français ou en anglais et ce, peu importe la langue d’enseignement du cours. Le professeur lui répondra dans la langue du cours et les questions des examens seront, elles aussi, dans cette même langue. Qui a dit que les deux solitudes linguistiques étaient vouées à un dialogue de sourds ?

Quels sont les effets d’une telle politique sur le corps étudiant ? On peut tout de suite confirmer que les résultats sont très positifs ! En effet, chaque année, dans le prestigieux palmarès du magazine MacLean’s, la faculté de droit de l’Université McGill et le Osgoode Hall, faculté de droit de l’Université York à Toronto (unilingue anglophone, évidemment), s’échangent le premier rang des facultés de droit à travers le pays. Mais il y a plus que les résultats. Plusieurs étudiants sont charmés par cette opportunité de prendre un ou deux cours dans leur langue seconde, tout en gardant cette possibilité d’écrire ses examens et de poser des questions dans leur langue maternelle. Cela permet une immersion progressive où l’étudiant est le seul maître de cette progression. La liberté de choix reste totale, un étudiant pouvant réussir à boucler son cursus sans avoir suivi un seul cours en français. Il s’agit, en fin de compte, du meilleur des deux mondes ! Deux langues pour une expérience… enrichissante ! L’université bilingue est un carrefour où se rencontrent deux communautés linguistiques, qui à défaut resteraient isolées. Les quatre universités montréalaises reflètent cette division, chaque communauté linguistique ayant deux universités. Y aurait-il de la place pour une université bilingue à Montréal ? Il nous semble qu’à tous points de vue, l’université qui serait la première université bilingue du Québec aurait un avantage significatif sur les autres. Elle serait celle où les deux communautés québécoises (et même trois avec les allophones) se rencontreraient. De ce mélange des cultures, basé sur un principe d’égalité, naîtrait une dynamique unique à McGill. On pourrait donc croire qu’une plus grande place faite au français pourrait permettre à McGill de se positionner avantageusement comme le carrefour des communautés du Québec et du Canada.

Ces deux exemples où se côtoient français et anglais portent à croire qu’il faut augmenter la présence des francophones à l’Université McGill afin qu’elle soit ce lieu de rencontre pour deux communautés linguistiques vivant dans des systèmes parallèles. Augmenter le nombre de cours en français serait le premier signe à envoyer à la communauté francophone qu’elle est la bienvenue à McGill. Si la majorité des cours de première année, dans tous les programmes, pouvaient être offerts en français, on permettrait aux étudiants francophones de faire la transition entre le cégep francophone et l’Université McGill. De plus, si le tiers des professeurs pouvaient comprendre le français et que l’on indiquait au moment des choix de cours qu’un étudiant francophone pourrait leur poser des questions dans sa langue, on rassurerait encore davantage les étudiants qui osent sortir du confort du système francophone pour tenter l’expérience McGill. A long terme, il serait intéressant de voir McGill se démarquer comme étant le point de rencontre des différentes communautés linguistiques du Québec.

Alexandre Forest est commissaire francophone et Julien Adant est membre de la Commission des affaires francophones (CAF). Écrivez leur à caf[à]ssmu[point]mcgill[point]ca dans la langue de votre choix. 

Aussi disponible en anglais


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