Aller au contenu

The university que l’on veut

« Quelle université voulons-nous ? » Lorsqu’elle est posée par des francophones au sein d’une des institutions anglophones les plus prestigieuses au pays, impossible de trouver réponse à cette question sans aborder l’habituel mais toujours épineux enjeux de la langue. Toute discussion sur un modèle idéal d’université, qu’il s’applique à McGill en particulier ou au réseau universitaire québécois dans son ensemble, nous ramène inévitablement à débattre de la place du français à McGill, et parallèlement, de la place faite aux francophones dans le réseau d’éducation postsecondaire québécois. Les étudiants passent, les écrits restent (depuis 1977) Afin d’alimenter notre réflexion sur cette université idéale que l’on tente d’imaginer dans ce numéro, l’équipe du Délit a cherché à s’inspirer des idées de ceux qui l’ont précédée en se replongeant dans les anciens numéros du journal depuis sa création en 1977. À l’époque, le Délit s’appelait encore le Daily français, et était publié sous la forme d’un encart hebdomadaire au sein du quotidien anglophone du même nom. Le Délit n’a toutefois pas été enfanté sans douleur : vous imaginez bien qu’en pleine crise nationalo-linguistique (la Loi 101 venait d’être adoptée ; le Parti Québécois venait de prendre le pouvoir et préparait la voie pour le référendum de 1980…), la création d’un journal francophone au coeur du bastion de l’«anglophonie » montréalaise a été perçue par certains comme une déclaration de guerre, et ce malgré les précautions prises par l’équipe éditoriale. Le débat n’en a pas moins fait rage entre les groupes linguistiques, au point que la CBC qualifia la création d’une publication francophone à McGill de « scandale d’ordre national » (« French Daily today, McGill français demain » pronostiquait-on). Si dans les faits les prévisions de la CBC se sont avérées aussi exactes que celles de Jojo Savard sur l’élection de Kim Campbell en 1993, il reste que la question de fond est toujours brûlante d’actualité : quelle est la place du français et des francophones à McGill ?

What does Le Délit want ? Quand Le Délit a été créé en 1977, le mouvement d’affirmation nationale des Québécois battait son plein et la nécessité de donner voix aux francophones à l’intérieur même de McGill était criante. Les choses ont bien changé depuis, mais la pertinence d’une publication étudiante en langue française nous semble toujours d’actualité. Les francophones représentent bon an mal an environ un cinquième de l’effectif étudiant de McGill, mais la culture francophone est loin d’avoir une voix proportionnelle au chapitre. À l’aube de la nouvelle décennie, les frontières de la « bulle » ou du « ghetto » qu’on évoque souvent ne semblent pas encore avoir été percées, ni même être prêtes de l’être. Le Délit représente l’une des rares interfacesqui permettent aux deux cultures de se rencontrer, puisque ceux qui y contribuent participent activement à la vie mcgilloise. Ce lien entre les deux communautés nous semble néanmoins encore beaucoup trop ténu, et l’une des raisons principales est que la francophonie ne semble intéresser… que les francophones ! Comment, alors, arriver à jeter des ponts entre les deux solitudes qui perdurent au sein de notre institution ? Nous ne prétendons pas avoir la réponse. Cette édition conjointe Délit-Daily est une amorce, et nous espérons qu’elle permettra à de nombreux lecteurs de l’édition anglaise de lever le voile sur le fait français à McGill.

Notre vision de l’université idéale est certes bilingue, mais dépasse de loin la seule question linguistique. Nous vous invitons à plonger dans la lecture de ces pages (bilingues!) qui vous sont offertes afin d’y puiser un peu d’inspiration pour rêver l’université de demain.


Articles en lien