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Des ronds de jambe et des hommes

Il est gentil, il est homme, mais il est bourgeois. Dans un monde d’aristocrates, le drame du marchand riche ne saurait se régler uniquement par des courbettes et des révérences.

Dans le Paris de 1760, Le Bourgeois gentilhomme fut l’une des plus remarquables comédies-ballets de Molière. Présentement à l’affiche au Théâtre du Nouveau Monde, la brillante comédie au thème intemporel est remise en scène par Benoît Brière qui sait bien imiter le pied de nez du grand maître de théâtre à tous ces petits s’imaginant devenir grands.

Monsieur Jourdain (Guy Jodoin) est un fils de marchand qui n’assume pas sa simple bourgeoisie et aspire aux lettres de noblesse. Par le truchement de maîtres de lettres et d’épée qui lui enseignent à devenir noble, et d’un « ami » aristocrate, paumé et maraudeur, le pauvre Jourdain tente, tout au long de la pièce, de s’initier « aux choses de qualité » et d’accéder à la haute société. La scénographie rutilante combinée à des costumes percutants, voilà qui met en place le décor de quelque cent-quarante minutes de rigolade.

D’entrée de jeu, une pointe d’inquiétude peut se faire sentir. L’apparition du protagoniste, guindé dans sa toge rouge royale, ainsi que ses mimiques exagérées font craindre le pire : la pièce s’enlisera-t-elle dans le ridicule ? De surcroît, les maîtres de musique et de danse chargés de l’éducation de M. Jourdain ne brillent pas par leur élocution, leur prose demeurant difficile à comprendre.

Rapidement, par contre, le ridicule est dilué dans une large dose de comique et la mauvaise diction des maîtres est compensée par leur esprit. Le spectateur se concentre plutôt sur les bons mots qui fusent. L’éternelle confrontation entre les arts et les sciences prend aussi vie d’une manière assez insoupçonnée lorsque le violoniste de service lance : « La musique ne serait pas une manière de s’accorder ? » La formidable bataille qui s’ensuit souligne, une fois de plus, le caractère satirique de la pièce de Molière.

La naïveté évidente de Jourdain, son air bon enfant teinté d’inquiétude ainsi que sa complète subordination aux compliments font de lui un personnage duquel on rit beaucoup, mais qui attire peu la sympathie. Son manque complet d’éducation, par exemple, le rend d’autant plus risible qu’il colore savoureusement la pièce lorsqu’il constate : « Ça fait quarante ans que je dis de la prose et je n’en savais rien ! ».

D’un caractère borné et toujours à la poursuite d’un plus haut statut social, M. Jourdain refuse catégoriquement de marier sa fille à un homme qui s’avoue ne pas être gentilhomme. Très bien joué par François- Xavier Dufour, Cléonte est un soupirant fort crédible duquel il est facile de tomber amoureux, reflétant la droiture, la franchise et étant prêt à tout donner pour Lucile Jourdain (Émilie Gilbert).

C’est d’ailleurs de cette relation problématique que naissent le noeud et le dénouement de la pièce. Le laquais de Cléonte, voulant aider son maître à obtenir la main de celle qu’il aime, conçoit un plan qui vise à flatter l’amour-propre du père Jourdain. Lorsque le fils du grand Sultan (Cléonte déguisé) débarque chez M. Jourdain, ce dernier n’y voit que du feu et accepte le mariage de sa fille à ce Turc qu’il pense avoir déjà vu quelque part… La pertinence de la dernière chorégraphie haute en couleur et en musique est discutable, mais s’harmonise avec le flafla rencontré tout au long de la pièce. Ainsi, des jeux de miroirs éblouissants aux tenues grandioses, tous les détails de la pièce sont dirigés vers un seul et même but : donner l’illusion du luxe dans lequel aiment à se complaire les faux nobles de ce monde. 


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