Fracture urbaine, berges envahies, secteurs déstructurés… voilà ce à quoi la Société du Havre de Montréal (SHM), la ville de Montréal et le gouvernement du Québec désirent s’attaquer en réaménageant l’autoroute Bonaventure. C’est 800 mètres de béton armé, entre les rues Saint-Jacques et Brennan qui changeront de statut, passant d’autoroute surélevée à boulevard urbain. Si le mandat de la Société du Havre est pertinent, il soulève tergiversations et scepticisme quant aux moyens employés.
On ne ménage pas ses transports
Le projet ambitieux de la Société du Havre de Montréal vise à créer un milieu de vie dynamique où les quartiers du Faubourg des Récollets, du Grinffintown et du Vieux-Montréal ne seraient plus séparés par l’autoroute urbaine Bonaventure, sous-utilisée de toute façon. A la SHM, l’accent est mis sur la valorisation des transports en commun, grâce à un corridor exclusivement réservé aux autobus, la facilitation des transports actifs (piétons, vélo), la nouvelle organisation du réseau routier et la maximisation des espaces verts. Autant d’améliorations qui sont présentées comme étant les impacts collatéraux d’un projet qui se veut un exemple en termes de développement durable.
Le syndicat des propriétaires du complexe Lowney, insatisfaits du verdict, s’est pourtant fait entendre à la lecture de son mémoire, le 12 janvier dernier. En effet, nombreux sont les citoyens qui mettaient profondément en doute la pertinence du corridor de la rue Dalhousie, infrastructure coûteuse destinée aux autobus qui desservent actuellement la Rive-Sud vers le centre-ville. Évaluée à 118,7M$, la nouvelle voie d’accès ne serait qu’une solution intérimaire en attendant le système léger sur rails (SLR), promis depuis belle lurette à ceux qui empruntent chaque matin les ponts encombrés.
Selon le syndicat, la construction du (SLR), trains légers carburant à l’électricité qui sont ainsi silencieux et non-polluants, représente le seul vrai investissement de développement durable qui puisse être fait pour relier le centre-ville à la Rive-Sud. D’ailleurs, lors des consultations publiques, les résidents du quartier du Lowney soulevaient l’incohérence de la multiplication du nombre d’autobus : « On veut faire du quartier Bonaventure un milieu de vie sain, mais on ne pense pas qu’ajouter 350 autobus réduira la qualité de vie de ceux qui les verront passer juste sous leurs fenêtres. »
Un milieu de vie
Les promoteurs du couloir Dalhousie désirent valoriser le développement résidentiel dans ce secteur où l’on pourrait construire 10 000 nouveaux logements. Le syndicat des propriétaires du quartier soutient pourtant qu’un « métro de surface » (le corridor Dalhousie) handicaperait le secteur pour les prochaines années.
De plus, comme le précise le mémoire rédigé par l’arrondissement du Sud-Ouest, il faudra s’assurer que les nouveaux logements soient abordables pour les ménages à faibles et à moyens revenus pour éviter le phénomène de gentrification, ou embourgeoisement. « Dans cette optique, l’arrondissement entend exploiter le plein potentiel des outils de réglementation et de planification pour que les objectifs de la stratégie soient atteints. Il sollicite la collaboration de l’arrondissement Ville-Marie à ce chapitre,» révèle le mémoire qui n’avait pas encore été soumis à l’Office de consultation publique de Montréal au moment de mettre sous presse.
Comme le projet Bonaventure s’étale sur deux arrondissements, l’harmonisation des politiques entre les deux secteurs, le Sud- Ouest et Ville-Marie, demeure à elle seule un défi. Le partage des coûts d’entretien des nouveaux lieux publics ou la distribution équitable des recettes fiscales sont des exemples parmi d’autres qui illustrent l’importance de l’étroite collaboration des deux instances pour la continuité du projet.
L’objectif semble être le même pour tout le monde : mettre à profit le potentiel qu’offrent les berges du Saint-Laurent en tenant compte du besoin actuel des résidents, mais toutes les parties n’ont toujours pas fait consensus. Gérald Tremblay, à la fois maire de la ville de Montréal et maire de l’arrondissement Ville-Marie, croit fermement en la manière dont le projet est présentement construit. Il rappelle le succès de l’échangeur des Pins, qui a maintenant fière allure après deux années d’excavation et 23 millions d’investissement. Avant la première pelletée de terre, il faudra toutefois attendre les rapports de la commission qui devraient paraître vers la fin du mois de janvier.