Le 22 janvier dernier, en collaboration avec Média@McGill, le Centre des politiques sur la propriété intellectuelle (CIPP) présentait la conférence « What is a newspaper ? Archives and Recent Court Cases in Dialogue » de Mme Laura Murray, professeure au Département d’études anglaises à l’Université Queens. Lors de sa conférence, l’auteure du livre Canadian Copyright : A Citizen’s Guide mettait en perspective les différentes définitions des journaux et les controverses qui y sont liées.
La nature du journal
La professeure Murray est une mordue de littérature. Lorsqu’elle s’intéresse à la prolifération de journaux d’aujourd’hui, ces quotidiens relatant les meurtres, les rumeurs, les jérémiades, les suicides et les accidents spectaculaires, elle ne peut s’empêcher de se demander : « Qui a tué les journaux ? ».
« Les journaux ont un statut spécial : ils ne sont ni des livres, ni des magazines […]; ils doivent être une brise sur le visage » précise Laura Murray. Selon cette dernière, il faut apprendre à lire les journaux afin d’en extraire les informations voulues, dans un laps de temps très court : « Les journaux sont conçus pour être lus facilement et jetés immédiatement », nous explique-t-elle. En fait, « un journal peut à la fois démarrer une discussion… et un feu », rappelle la professeure Murray.
Du format papier au format électronique
Pesant ses mots, Laura Murray souligne que « le medium n’est pas le message » [NDLR : En référence à la célèbre phrase « The medium is the message », prononcée par Marshall McLuhan]. Par exemple, les articles écrits pour un journal papier gardent-ils leur essence même lorsqu’ils sont publiés sur un support électronique ? Les procès intentés contre le New York Times (2001) et le Globe and Mail (2006) par des journalistes à la pige, après que les comités éditoriaux des journaux ont utilisé leurs articles dans la version électronique de leurs journaux respectifs, ont soulevé l’indignation médiatique et suscité de nombreux questionnements au sujet de la propriété intellectuelle et des droits d’auteurs dans les nouveaux médias.
À cet égard, la Cour a conclu qu’un support électronique qui reste cohérent vis-à-vis de son contenu et de son contenant, qui « demeure fidèle à l’essence de l’oeuvre originale », n’agit pas illégalement en utilisant les articles dans un support autre que le papier original. Ainsi, le format électronique n’est considéré que comme un moyen d’étendre le lectorat, si pour autant le caractère initial du journal est conservé.
Ainsi, il est pertinent de se redemander ce qui constitue un journal. « Ce qu’est un journal est décidé par le lecteur […] et tous les textes se lisent différemment selon le contexte » rappelle le Dr. Murray. La conférencière insiste sur l’exemple de la famille qui, lors du repas matinal, se sépare le journal papier en partie. La sorte d’articles choisis et le degré de lecture diffèrent grandement d’un lectorat à un autre, mais aussi d’une version papier à une version électronique.
Dans les deux cas menés devant les tribunaux, les publicités, les éditoriaux, les bulletins météo et les chroniques sportives n’avaient pas été conservés dans le format électronique de la publication. « Comment dire qu’un journal est le même si il lui manque certaines de ses parties ? » questionne la conférencière ? Laura Murray ne peut pas donc pas conclure qu’un journal est fidèle à son essence dans son format électronique.
Le journal : d’hier à aujourd’hui
Laura Murray a concentré ses recherches historiques sur le New-York des années 1830- 1840, l’époque où la penny press (journal à un cent) faisait son apparition : « Ce type de journaux marque une époque de grands changements, de révolution médiatique ». Accessibles à un plus grand public que les journaux politiques précédemment distribués, les quotidiens à un cent étaient bourrés de publicités, de petites annonces et, évidemment, de faits divers qui restent des « palabres » aux yeux de la spécialiste. Laura Murray s’esclaffe en ajoutant : « Les éditeurs des journaux allaient jusqu’à s’excuser auprès de leurs lecteurs pour l’absence de profondeur de ses articles ! » À la suite de ses recherches, Laura Murray conclut pourtant que la quantité infinitésimale d’annonces et de détails insignifiants contenus dans les quotidiens n’aurait pas eu de sens si personne n’en avait voulu : « Toutes les publicités étaient là car les gens en avaient réellement besoin », a‑t-elle réalisé après s’être penchée sur un nombre important de journaux de toutes sortes. Laura Murray termine en ajoutant que « certains quotidiens de l’époque n’avaient rien à envier au Twitter d’aujourd’hui ! ».