La nouvelle création du dramaturge français Rémi de Vos a beaucoup fait parler d’elle depuis ses premières représentations en Bretagne. Cette coproduction France-Québec a d’abord reçu un accueil des plus enthousiastes ainsi qu’une couverture non moins enviable à son arrivée en terre montréalaise.
Tous les ingrédients d’une pièce à succès s’y trouvent : un processus de création atypique, une distribution chevronnée aux origines diversifiées, un metteur en scène faisant preuve d’une grande complicité avec l’auteur, une scénographie aux accents étrangement surannés et chics à la fois, et cette étiquette de « comédie érotique » qui chatouille la conscience. Les adeptes de catégorisation, si l’on peut les nommer ainsi, ont vite établi des associations avec l’absurde lucide de Ionesco et l’univers insolite de David Lynch. Ils ont surtout reconnu avec grand engouement le caractère hautement contemporain de Sextett.
Or, la contemporanéité et les ingrédients retentissants ne sont qu’apparats lorsque la force du texte manque à l’appel. Ce portrait des relations hommes-femmes dans la société moderne que l’on veut si bouleversant se tisse en fait de lieux communs et nous renvoie l’image d’une coquille vide.
Sextett raconte le périple de Simon (Micha Lescot), un jeune publicitaire, qui se retrouve dans la maison familiale après les funérailles de sa mère. Il est accompagné d’une collègue de travail, Claire (Anne- Marie Cadieux), qui est très amoureuse de lui bien que le sentiment ne soit pas réciproque. La situation dégénère rapidement lorsque Simon se met à recevoir des visites de femmes, réelles ou fictives, qui l’amèneront à questionner son rapport à la sexualité et à la famille. Il est alors confronté aux extravagantes voisines de sa défunte mère, Jane et Blanche (Maria de Medeiros et Jutta Johanna Weiss), à leur chienne agressive, Valkyrie (Marie-France Lambert) et à son amie Sarah qui incarne de façon grotesque sa toute première expérience sexuelle. De ces rencontres découlent plus d’une heure de dialogues déjantés visant à représenter la misogynie et la perte de repères dans toute leur absurde splendeur. Et malgré le jeu fort convaincant des comédiens, force est d’admettre que la mise en scène simpliste d’Éric Vigner ne laisse place qu’à un comique physique et à un texte répétitif, vide de sens, mais rempli de clichés qui abrutissent toute réflexion lucide.
« Votre mère n’était pas votre mère. C’était votre père. »
Sextett est avant tout la mise en scène d’un inconscient troublé par un questionnement sur son identité sexuelle. La relation mère-fils, les rapports de dominations et les concepts freudiens y sont d’ailleurs à l’honneur alors que Simon projette ses hantises et ses désirs sur les personnages féminins.
Cette réflexion a priori intéressante est cependant parodiée et ne laisse place à aucune réflexion. Le spectateur se trouve dans l’impasse alors que toute la charge critique que peut recéler l’absurde est remplacée par les pas de danse de Misha Lescot et par des paroles proférées sur un ton à la fois ridicule et sérieux.
« Votre mère n’était pas votre mère. C’était votre père (…)», est la réplique que lance Jane alors que la pièce atteint son paroxysme. Les personnages féminins se mettent alors à se confronter, Simon sombre dans la folie et le comique devient burlesque. Le spectateur, quant à lui, se rend bien compte qu’un ingrédient manque cruellement à la recette du succès.
L’oeuvre contemporaine deviendra-telle classique intemporel ? Rien n’est moins sûr.
Sextett
Où : Théâtre Espace Go, 4890 boul. Saint-Laurent
Quand : jusqu’au 6 février
Combien : 24$ (30 ans et moins)