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Les derniers seront les premiers

Billet de scalper

Il y a maintenant un peu plus de deux ans, j’ai entamé un long voyage qui devait me mener de Montréal à La Paz en Bolivie. En autobus. Fils conducteurs de ce périple ? La politique. Le sport. Je vous étonne.

Le billet de bus de départ était de Montréal –Station centrale– à Guadalajara, Mexique. Avant d’arriver au pays des mariachis et de me familiariser avec la « lucha libre », j’ai fait escale un peu partout aux États-Unis. Vous comprendrez qu’on ne fait pas Montréal-Mexique comme on fait Québec-Jonquière.

Soyons sérieux, à part de jeunes Québécois en mal d’aventures, qui sont ceux et celles qui se tapent vraiment un voyage en autobus de plus de 48 heures??? Des pauvres.

En fait, des plus pauvres que nous. Arrivée en Caroline du Nord. Pause de trois heures. Pour faire comme si je savais ce que je faisais là, je vais au kiosque à journaux et m’achète le Charlotte Post. J’aurais dû comprendre immédiatement au visage du commis que je venais de transgresser un immense tabou. Le Charlotte Post est un journal par et pour les Noirs. Depuis 1878.

Pendant que je me prend pour un freedom rider, j’en apprend énormément sur la vie américaine. Et sur Michael Vick.

Le football américain est à l’image de la situation politique de ce pays. Un coach blanc dirige un quart-arrière blanc qui s’appuie sur une ligne de gros noirs et latinos. Prouvez-moi que j’ai tort ! Nommez-moi un seul quart-arrière noir !

Michael Vick. Il est Afro-américain. Il est originaire de la Virginie. Le footballeur de 215 livres a été le premier choix de la première ronde dans la NFL en 2001. Mais attention ! Il a aussi été sélectionné par les Rockies du Colorado même s’il n’a pas joué au baseball depuis l’âge de 12 ans. Ça donne une idée de l’athlète.

Et Michael Vick a tout foiré. Il s’est fait prendre dans une combine de combats de chiens. (Il ne s’entendrait pas bien avec Georges Laraque!) Il a passé vingttrois mois en prison. Il a fait faillite.

Mais Vick, en tant que prodige noir du Deep South ne se doutait peut-être pas qu’il représentait quelque chose de beaucoup plus gros que sa petite personne. À Atlanta, ville du sud où il jouait pour les Falcons, d’importantes manifestations rassemblèrent des centaines d’Afro-américains jugeant que l’hostilité de la justice et des médias était davantage motivée par la couleur de la peau du prodige du football que par le crime commis. Qu’en penserait Tiger Woods ?

Alors que je méditais sur cette question, mon bus m’emmena à la Nouvelle- Orléans. Et vlan. Cette ville est incroyable. J’avais été aux États-Unis. Au Mississippi. J’avais été en Amérique latine. Mais ça c’est autre chose. Entre un match de football au Superdome et une visite dans le quartier dévasté du Lower Ninth Ward, un ami local m’invite dans un bar tenu par la veuve du musicien K‑Doe, Antoinette K‑Doe. Antoinette a survécu à plus d’une dizaine d’ouragans. Une dizaine de reconstructions. En restant fière. Et souriante.

Il y a une dignité qui coule de cette ville. Une volonté de défier l’injustice, défier le climat, défier la fatalité. À tous les pseudo- journalistes comme Patrick Lagacé, à tous les incultes de CHOI Radio‑X les résidents de la Nouvelle-Orléans ont un message pour vous : « Recovery is not a sprint, it’s a marathon ».

Micheal Vick s’est remis à jouer. Antoinette quant à elle est décédée l’an dernier. Pendant le Carnaval. Si mes prières sont exaucées, les Saints auront gagné au moment de mettre sous presse. La population de la Nouvelle-Orléans le mérite. Alea jacta est.


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