Vous vous mordez les doigts d’avoir manqué la cérémonie d’ouverture des Jeux de Vancouver ? Consolez vos tristes coeurs, chers lecteurs, et laissezmoi vous prouver que ce faste événement où feuilles d’érable, flocons de neige et lumières de Noël étaient à l’honneur n’aurait pu vous distraire en cette sombre période des midterms.
Plusieurs malaises ont marqué ce spectacle bien évidemment tissé de convenances, à commencer par l’interprétation de l’hymne national par la jeune chanteuse jazz Nikki Yanovski qui a offert une prestation ponctuée de vibratos interminables rappelant une audition pour American Idol, au grand dam des politiciens bien désorientés.
S’en est suivi le long défilé des athlètes durant lequel on a pu évaluer le sex appeal des uniformes nationaux. Que dire des Allemands qui affichaient des costumes rappellant le monde de Barbie en motoneige ou des italiens, qui étaient d’un chic inouï. Bryan Adams et Nelly Furtado se sont ensuite unis pour interpéter une chanson sur l’estime de soi et la croissance personnelle judicieusement nommée « Bang the drum », auxquels se sont joints les rythmes endiablés que les dignitaires produisaient à l’aide de tambours en plastique qui leur avaient été distribués.
Pop stars et danses folklorisées des Premières nations ont ensuite fait place au paroxysme de la soirée, orchestré par une panoplie d’artistes et ayant nécessité des années de préparation. L’intention était claire, comme à chaque cérémonie d’ouverture : dresser un portrait créatif de l’hôte des Jeux. Il serait bien pessimiste de décrire le numéro comme un de ces spectacles d’Histoire son et lumière d’un quétaine pédagogique dans lesquels mes parents m’entraînaient immanquablement lors de visites touristiques. Toutefois, la comparaison est malheureusement très tentante. Les prouesses techniques étaient certes au rendez-vous, comme le nécessite tout événement contemporain d’envergure. Cependant, l’angle ô‑combien-créatif qu’ont adopté des artisans de grande réputation pour présenter leur patrie leur donnait l’allure de peintres à numéros et de photographes de calendrier au budget incroyablement élevé. Sans m’attendre à retrouver au Canada tout le faste des Jeux de Beijing, j’espérais que notre contrée méconnue échapperait à tout le moins à un éloge sans fin de ses ressources naturelles et de ses quatre saisons, qui, rappelons le, ne sont pas une particularité canuck. Heureusement que l’un des derniers tableaux a rompu avec l’ultime cliché en nous présentant des personnages de la chasse galerie gambadant dans un champ de feuilles d’érables.
Force est d’admettre que même lorsque sculpteurs, peintres et metteurs en scène s’associent à une grande marque ou à un événement d’une rectitude politique irréprochable, le résultat sonne souvent faux et exhale une trop grande prudence. Un poète méconnu de Yellowknife, Shane Koyzan, est heureusement venu sauver la mise avec son patriotique We are more, commandé par la Commission canadienne du tourisme, et rappelant qu’au delà de leur amour pour le hockey et la pêche, les Canadiens étaient d’une irréprochable politesse et d’une grande gentillesse.
Vous vous questionnez peut-être sur la place faite au français, qui ne transparait pas ici mais qui se promettait grande à l’aube des Jeux. Soyez rassurés : c’est nul autre que Garou qui est venu à la rescousse avec une prestation placée à la toute fin de la cérémonie, après un vibrant extrait de L’Histoire du Canada de François- Xavier Garneau, interprété en anglais par Donald Sutherland.
Dans un Canada où, aux dires de Graham Fraser, le français se fait aussi rare que la neige, l’originalité et le divertissement semblent aussi relégués au second plan. Gageons que vous parviendrez sans peine à meubler votre longue semaine de lecture d’activités plus palpitantes que le visionnement en boucle de cet hommage à l’unifolié et à la gentillesse proprement canayenne.