Léa Pool, qui nous a entre autres présenté Emporte moi (1999) et, plus récemment, Maman est chez le coiffeur (2008), nous revient avec sa plus récente réalisation, dont elle a également co-écrit le scénario. Une nouvelle pierre est posée dans l’édifice érigé par l’une des grandes cinéastes d’ici.
La Dernière Fugue traite d’abord et avant tout d’humanité. Anatole, à l’aube de ses soixante-quinze ans, n’est plus que l’ombre de l’homme qu’il a été : atteint de la maladie de Parkinson, il a perdu toute son autonomie. Sa femme, pourtant, refuse de le placer en institution, faisant la sourde oreille aux recommandations de ses enfants. Le vieil homme s’enfonce donc, jour après jour, dans une solitude douloureuse qui lui est imposée par les limites de son propre corps. Lui qui, autrefois, était fier et orgueilleux, se voit infantilisé, rabaissé par la maladie et les regards blessants des membres de sa propre famille. Le film nous montre dans toute sa violence la colère d’un homme qui ne souhaite que retrouver un peu de sa dignité. C’est son petit-fils qui, le premier, le prendra en pitié et voudra lui offrir « une belle mort ». Il convainc son oncle, André, de l’aider dans ce projet. Mais à quel point peut-on avoir pitié d’un père absent et égoïste ? Et comment faire un choix entre le calvaire de la vie et la peur de la mort ? Pour André, ce sera l’occasion de faire la paix avec son père, d’effacer les vieilles rancunes et de réparer les erreurs commises.
Andrée Lachapelle est gracieuse et élégante, comme toujours. Elle est parfaite dans le rôle de l’épouse qui, épuisée, tente de s’occuper du mieux qu’elle peut de « l’être humain qu’elle connaît le mieux ». Jacques Godin, qui incarne le patriarche, est convainquant dans un rôle pourtant difficile. Le jeune Aliocha Schneider, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, est étonnant et sait aller au-delà du rôle de l’adolescent de service. Mais celui qui brille véritablement, dans ce tableau, c’est Yves Jacques, l’interprète d’André. Encore une fois, il fait la démonstration de son immense talent en nous offrant un jeu sans faille.
Léa Pool a choisi d’opter pour le dépouillement, de laisser toute la place aux émotions, servant à merveille le texte de Gil Courtemanche. La signature visuelle est simple, sans flafla, et intègre plusieurs gros plans judicieusement choisis. La caméra s’attarde ainsi sur des petits détails qui font toute la différence : les mains d’Anatole, l’aiguille du tourne-disque, le regard d’André… Si le rythme du film est plutôt lent – la première moitié se déroule en l’espace d’une seule soirée de Noël -, on ne ressent toutefois aucune longueur. Même les quelques flashbacks sont magnifiquement intégrés, grâce à l’oeil expert de Léa Pool.
La Dernière Fugue est avant tout un film sur la famille, qui y est dépeinte sans artifices et dans toute son imperfection. C’est un film sur le profond respect d’un fils pour son père, et sur l’amour maladroit d’un homme pour ses enfants et petits-enfants. C’est aussi un film sur la mort, sur le temps qui passe et celui qui nous reste. Une oeuvre remplie de bon sentiments – et de moins bons aussi – qui ne saurait laisser indifférent.