C’est au sein d’un décor disparate et familier que s’ouvre Porc-Épic, une pièce qui a pu être appréciée dans plusieurs pays en tant que créationclé de David Paquet, mise en scène ici par Patrick Dubois. Des cartons de bières côtoient une immense affiche de Coca-Cola, des supports à postiches, un jeu de twister et de vieux appareils électroménagers.
Ce décor scindé, mais uni par son aspect banal, montre trois vies séparées mais toutes aussi solitaires les unes que les autres. Il y a Cassandre (Marika Lhoumeau), dans sa cuisine, qui simule un anniversaire pour ne plus être seule ; il y a Sylvain (Jean-Pascal Fournier), le propriétaire d’un dépanneur qui suit une thérapie pour troubles de confiance en lui et son amie (Dominique Quesnel), qui a perdu son goût pour la vie ; il y a finalement Théodore (Antoine Bertrand) et Noémie (Geneviève Schmidt) qui, en apparence, semblent s’entendre, mais qui vivent une rupture difficile. Ces trois chemins s’unissent sur scène, mettant ainsi en lumière toute la solitude de l’homme et le profond échec de sa communication avec autrui.
Le titre de la pièce fait référence à une parabole de Schopenhauer : les hommes sont comme des porcs-épics, ils ont froid de vivre et ils se rapprochent les uns des autres, mais lorsqu’ils sont trop proches, ils se blessent avec leurs piquants et doivent s’éloigner, créant un mouvement d’aller-retour perpétuel. La symbolique est d’ailleurs omniprésente tout au long de la pièce, où tous les moyens sont bons pour combler la solitude : les femmes deviennent tour à tour enceinte d’un même rejeton, Cassandre se transforme en couverture réconfortante pour un enfant…
La pièce plonge le spectateur dans un univers noir, qui propose une réflexion sur les relations interpersonnelles et sur le fait que chaque être est emprisonné dans une prison de verre, sans fusion possible avec ses semblables. Afin de mieux transmettre ce message, David Paquet a choisi l’humour, et Patrice Dubois l’a suivi dans cette voie. Cette approche donne au spectateur la sensation d’être un équilibriste, hésitant sans cesse entre le rire et les pleurs. Le texte et les amusantes mimiques des personnages font parfois bien rire, mais le fond reste profondément troublant. Le rire devient alors un moyen de se libérer du malaise provoqué par la lourdeur de la solitude. Il est en outre important de noter la performance brillante et nuancée d’Antoine Bertrand, connu entre autres grâce au rôle qu’il tient dans la série télévisée Les Bougons.
Le rire est déjà présent avant même que la performance ne commence : le programme distribué à l’entrée contient une touche d’humour, abordant les multiples utilisations du symbole du porc-épic dans la société, mais ne fournissant par ailleurs aucun résumé de la pièce. Malgré le rire et la légèreté, qui sont certainement au rendez-vous, c’est une pièce marquante qui nous est offerte. Elle restera sans doute longtemps gravée dans les esprits grâce à son aspect réflexif, doublé d’une expression simple de la solitude humaine.
Porc-Épic
Où : Espace Go, 4890, boul. Saint-Laurent
Quand : jusqu’au 13 mars
Combien : 24$ (30 ans et moins)