Plusieurs ne connaissent d’Éric-Emmanuel Schmitt que quelques pièces de théâtre. Toutefois, son style est distinctif, et l’on peut s’attendre, en allant voir Oscar et la Dame Rose, à retrouver deux éléments essentiels qui caractérisent les écrits de l’auteur. D’abord de l’originalité dans le traitement du sujet, mais aussi de l’humour, cet ingrédient essentiel qui vient merveilleusement alléger les situations dramatiques. Le rire a souvent pour effet de rendre les scènes difficiles plus réalistes et plus touchantes aux yeux du spectateur, qui ne sait plus s’il doit rire jaune ou demander un mouchoir. Ici, tous les ingrédients y sont, et le film se révèle non pas « à la hauteur », mais bien au-dessus des attentes que l’on pouvait avoir !
Le film raconte les derniers jours d’un garçon de dix ans, hospitalisé pour un cancer. Avec un thème comme celui-là, l’appel du pathos a dû être tentant pour l’équipe de production de même que pour les acteurs, qui avouent d’ailleurs avoir abondamment pleuré pendant le tournage des scènes les plus éprouvantes. Le film se révèle toutefois rassurant, surtout grâce à Michèle Laroque, qui incarne Rose, la « dame » prétendument lutteuse chargée de s’occuper bénévolement d’Oscar pendant les onze dernières journées de son existence. Suivant la suggestion de sa bienfaitrice, Oscar vivra ses derniers jours comme autant de décennies, pour enfin mourir à « 110 ans passés ». Une sainte, cette Rose ? Bien au contraire ! Plutôt une espèce d’héroïne de conte de fée. On la sent proche de nous avec son ton acide, énervé, bourru, cachant néanmoins une grande tendresse. Elle rappelle une adulte qui serait retombée en enfance, et son jeu détourne constamment les attentes. Alors que l’entourage du jeune patient traite déjà celuici comme un fantôme à demi trépassé, l’insensibilité apparente de la dame Rose la rend ironiquement plus humaine que les infirmières doucereuses et les parents fuyants aux « je t’aime » angoissés.
Et Oscar ? Un Petit Poucet condamné à errer dans la forêt hospitalière de l’aile d’oncologie, sans bottes de sept lieues pour échapper à l’ogre de la leucémie. Il nous rappelle vaguement pourquoi les auteurs des contes – et plus précisément de contes de Noël, puisque l’histoire se déroule à la fin du mois de décembre – se plaisent à reprendre le topos de la fin heureuse ; car dans la vie, tout finit rarement bien… Lorsque la médecine est impuissante, c’est l’imagination qui prend le pas. Le film rend parfaitement bien cette dichotomie entre la dure réalité et l’espoir du rêve, avec une alternance de séquences entre l’hôpital et des matchs de lutte burlesques aux acrobaties improbables, des scènes qui rappellent l’esthétique manga, teintées d’une touche québécoise – l’arbitre clownesque étant interprété par nul autre que Benoît Brière. Le jeune Amir (Oscar) livre quant à lui une performance incroyable. Sans doute est-ce grâce à ce talent particulier que, malgré les pointes d’humour, Oscar et la Dame Rose parvient à arracher au spectateur quelques larmes. Entre le rire et l’émotion, la ligne est parfois mince.