Nous sommes tous victimes de quelque chose,
ne fût-ce que d’être en vie. (Paul Auster
dans Moon Palace).
Le débat est sur la table depuis plusieurs années. La légalisation de l’euthanasie est envisagée. En effet, le projet de loi C‑384 apporterait une modification au Code criminel afin de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Ces mesures permettraient aux personnes majeures, éprouvant des douleurs physiques ou mentales aiguës sans perspective de soulagement, et/ou atteintes d’une maladie en phase terminale, de mourir dignement quand elles y consentent de façon libre et éclairée.
D’où vient la demande pour la légalisation de l’euthanasie ?
Bien que la médecine, la recherche et la technologie nous permettent maintenant une capacité incroyable de soulager la douleur, la demande est croissante pour la légalisation de l’euthanasie. Pourquoi cet engouement pour une telle mesure et pourquoi fait-on de plus en plus référence à la notion de « mort en toute dignité » ?
Professeur Sommerville, explique que la sécularisation de la société s’avère être en quelque sorte le moteur de ce courant européen et nord-américain qui revendique la légalité de l’euthanasie en invoquant la primauté des libertés individuelles sur le droit de l’État d’interférer dans la vie privée. Par exemple, le droit à l’autonomie, à la détermination personnelle et à l’atténuation des souffrances sont des raisons invoquées et découlent de cette glorification de l’individualisme.
Le temps est révolu où la religion occupait une place de choix dans la vie politique, où les valeurs étaient partagées, uniformes et basées sur les commandements de Dieu (En l’occurrence le 5e commandement : « Tu ne tueras point. ») Selon Somerville, « les droits individuels ne devraient pas toujours avoir primauté dans le cas des décisions d’ordres éthiques en société, puisque cela pourrait ouvrir la porte à de dangereux précédants. »
Plus particulièrement, « reconnaître la mort comme étant une voie acceptable dans le but de se libérer de ses souffrances pourrait encourir une certaine influence sur les personnes envisageant le suicide, sans compter qu’il y a plusieurs manières soulager les souffrances, sans nécessairement enlever la vie. » Dans une société séculaire et pluraliste, la médecine et la justice constituent désormais les deux principales institutions qui à l’instar de la religion maintiennent la valeur du respect des êtres humains en société. L’interdiction de tuer intentionnellement est donc la pierre angulaire de la loi et des relations humaines, selon elle.
Le cas des Pays Bas
Au Pays Bas, où l’euthanasie a été légalisée depuis trente ans, les critères de sélection sont déréglés, et selon Somerville rendent l’euthanasie incontrôlable. « La loi ne s’applique plus seulement aux adultes en phase terminale, et souffrant de douleurs qui ne puissent être soulagées », selon Somerville.
Par exemple, des études récentes on démontré que le taux de suicide des hommes d’âge moyen (un groupe ayant un risque de suicide élevé) a baissé mais que le taux d’euthanasie dans ce même groupe d’âge a augmenté. Par exemple, une femme déprimée a été euthanasiée par son psychiatre traitant et l’action a été justifiée par la Cour de justice bien qu’elle ne fût atteinte d’une maladie incurable ou fût en phase terminale.
Dignité
Les défenseurs de la cause pro-euthanasie clament qu’en dessous d’un certain niveau de qualité de vie, une personne perd sa dignité. Pourtant, la définition première de la dignité, selon Sommerville, inclut le respect pour la vie.
Des études ont prouvé qu’entre autre la création de « mini espoir » pour les patients en phase terminale et/ou souffrant gravement, a créée une diminution de 90% de la volonté d’euthanasie. Vraisemblablement, la peur de mourir seul, sans être aimé, ou sans avoir le sentiment d’avoir accompli quelque chose constitue des préoccupations universelles et a été plus fortement associée avec des demandes pour l’euthanasie, que la souffrance.
« La thérapie de la dignité » a donc été créée dans le but d’aider les patients à cheminer vers la mort de manière paisible et non de précipiter la fin, et de présenter l’euthanasie comme étant une alternative ou un remède contre des souffrances psychologiques.
La vie, une obligation ?
Selon Ruth Von Fuchs, qui dirige la Société ‘Right to Die’, la vie n’est pas une obligation et chacun devrait avoir le droit de mettre fin à sa vie quand bon lui semble.
Somerville, affirme quant à elle, que la perte du respect pour la vie, équivaut à la perte de notre humanité, cette qualité qui selon elle « nous distingue des animaux et nous donne ce statut particulier, qui est en fait une manière de reconnaitre et de garantir le respect pour toute autre sorte de vie. »
Le débat reste ouvert, à la reprise des travaux parlementaires la première lecture du projet C‑384 se fera, selon toutes attentes à la mi-mars.