Jacques Godbout, en plus d’avoir enrichi le paysage littéraire québécois de nombreux romans devenus célèbres, de plusieurs essais et de quelques poésies, s’est également fait chroniqueur entre les pages de L’actualité. Aujourd’hui, l’auteur de Salut Galarneau ! revient sur trente années durant lesquelles il a partagé avec les lecteurs de la revue ses découvertes littéraires et, en même temps, ses impressions, ses réflexions et un peu de lui-même.
La plume de Godbout nous propose un voyage à travers des milliers de pages parcourues, des centaines de titres, nous ramenant au moment de leur publication. Il nous raconte sa lecture d’un Milan Kundera en exil, d’un Hubert Aquin tourmenté, d’une Françoise Sagan à l’intensité maladive. Il nous fait le récit incroyable d’une rencontre avec Roman Polanski dans les rues de Paris, sur la banquette arrière de sa rutilante Mercedes, il entre dans l’esprit excentrique du cinéaste Stanley Kubrick et cerne en quelques mots l’homme complexe qu’était Albert Camus. Il dresse également des portraits teintés d’admiration de certains auteurs d’ici, notamment François Ricard et Gil Courtemanche.
Amateur de biographies, Godbout choisit de faire découvrir à ses lecteurs celles qui l’ont particulièrement marqué. C’est ainsi qu’il évoque avec beaucoup de puissance la folie autodestructrice d’Elvis Presley, abordant de manière unique une vie que les médias nous ont pourtant rendue familière. L’écrivain nous offre également le récit sensationnel de la lecture qu’il a faite d’une biographie des Beatles, retraçant leurs bon coups mais surtout leurs écarts. Il le fait avec une telle adresse que si le lecteur a tout de suite envie de jeter un oeil au livre en question, il ne peut s’empêcher de craindre que l’auteur n’ait pas su mettre dans sa narration autant de verve et d’habileté que ne l’a fait le chroniqueur. C’est dire à quel point ses comptes- rendus sont réussis.
Plusieurs des textes que choisit de présenter Godbout abordent des enjeux politiques, économiques, religieux et sociaux qui révèlent certaines préoccupations de l’époque de leur publication. Le recueil nous propose ainsi un survol des mouvements politiques, sociaux et intellectuels qui ont façonné les trente dernières années, de l’ère de la psychanalyse à celle des nouveaux médias. Le lecteur est ainsi amené à revivre avec Godbout les changements qui ont touché le Québec et le reste de la planète, tout en constatant que, malgré le passage du temps, plusieurs des sujets abordés sont toujours d’actualité.
À travers plus d’une centaine de chroniques, l’écrivain dresse un portrait du monde dans lequel il vit, un monde habité par les mots et par leurs auteurs, un monde qui se construit et se modifie au fil des lectures et des réflexions qu’elles ont provoquées. Il le fait toujours sur un ton unique, alliant simplicité et intelligence, et c’est avec plaisir qu’on retrouve l’écriture fluide et savoureuse de Godbout, qui sait être toujours juste dans le choix des mots. L’auteur, dont l’objectif était de donner envie à ses lecteurs d’aller fouiller dans leurs vieux bouquins, a indéniablement réussi son pari. Lire, c’est la vie coule de source, se savoure, se lit par petits bouts, sans se presser. Mais, plus que tout, il donne envie de lire.