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Sans relâche

Nul besoin de vous taper la brique de 646 excellentes pages du Collectif Clio sur l’histoire des femmes au Québec pour réaliser l’ampleur du chemin parcouru depuis un siècle. On a tous une vague idée de ce que pouvait être la vie d’une femme il y a à peine quelques décennies, pratiquement sans aucun droit politique, sans statut civique, sans autonomie financière. En m’arrêtant quelques minutes, en cette Journée internationale des femmes, pour imaginer ce qu’aurait été ma vie si j’étais née à cette époque, je ne peux qu’être envahie d’un profond sentiment de reconnaissance à l’égard de mes aînées.

Car tous ces changements ne sont pas arrivés par magie, loin de là. Il n’y a aucun mystère : la condition des femmes s’est améliorée là où des efforts constants, patients, souvent héroïques ont été déployés. Si « le féminisme » a perdu ses lettres de noblesse quelque part dans les années 80, il serait fort ingrat de ne pas reconnaître et célébrer ce qu’il a légué à la société d’aujourd’hui. Il a fallu une bonne dose de courage, peutêtre même de rage, à des milliers de femmes pour sortir de leurs cuisines et oeuvrer activement à enfoncer des portes closes que leurs filles et leurs petites filles franchissent tous les jours sans même les remarquer.

Mais le progrès est un édifice fragile et instable ; il n’y a pas d’architecte pour en vérifier les plans avant que la construction ne soit achevée. Et puis ça part dans tous les sens : rien à voir avec l’«autoroute » du progrès, c’est plutôt un chemin embroussaillé que l’on trace au fur et à mesure qu’on avance (ou recule!).

Il suffit d’ouvrir les journaux du 8 mars 2010 pour constater que sur bien des plans, une partie du chemin reste encore à tracer. Outre les dossiers traditionnels de l’équité salariale, de la représentation politique, de la conciliation travail-famille, de la féminisation de la pauvreté, et tant d’autres où les avancées ont fait place à une stagnation tenace, les dernières années ont également été le théâtre d’attaques répétées envers des droits que l’on croyait pourtant acquis.

Il n’y a qu’à penser à la décision du gouvernement Harper de changer la mission du Conseil du statut de la femme sous prétexte que « l’égalité est acquise », et celle de couper le financement des groupes qui font du militantisme politique et légal. Ou encore aux assauts de plus en plus fréquents des groupes chrétiens pro-vie au Québec même, alors qu’on les croyait relégués dans quelques lointains États du Sud des États-Unis. La dernière décennie a aussi été témoin de l’apparition des groupes masculinistes, caractérisés par une haine viscérale du féminisme et qui établissent un lien de causalité simpliste et douteux entre les avancées des femmes et le malaise de l’homme québécois. Il y a également la recrudescence des fondamentalistes religieux, question épineuse s’il en est, dont le droit des femmes est la clef de voûte.

Bref, malgré toute la charge négative qu’on lui a mis sur les épaules dans les deux dernières décennies, « le féminisme » –quelque soit le sens qu’on lui donne– reste encore criant d’actualité en 2010.

* * *

Alors bon anniversaire, mesdames, nous méritons bien d’être célébrées. Et maintenant, retroussons nos manches –tous, qu’on s’identifie comme femme, homme, trans, queer, etc.– car le progrès ne se mettra pas en marche sans « les efforts infatigables et l’inquiétude passionnée d’individus dévoués ». Au boulot !


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