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Billet de scalper

Ode au patrimoine immatériel

Cette semaine, contrairement à votre habitude, certains d’entre vous vont se saouler à 11h de l’avant-midi. Le prétexte : la fête d’un saint irlandais mort à une date inconnue il y a au moins 1500 ans. Si un martien débarquait sur terre, la fête ne manquerait pas de le rendre perplexe.

Dans une ville multiculturelle défendant dur comme fer sa laïcité, des milliers de personnes se rassemblent sous la pluie battante pour s’intoxiquer et regarder parader des hommes en jupes soufflant dans des sacs. C’était mon premier défilé de la Saint-Patrick et, malgré tout le faste et les artifices, j’ai trouvé ça mignon. J’ai été charmé par le caractère participatif et rassembleur. Mais aussi par le mélange des générations. On peut résumer tout ça par un terme coquet, le patrimoine immatériel.

Depuis 2001, l’UNESCO dresse une liste des chefs d’oeuvres du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. C’est une liste fort intéressante. Le Carnaval de Barranquilla en Colombie y côtoie l’opéra Kunqu de Chine (comme dans le film Adieu ma concubine) et les fêtes des morts au Mexique. Ce dernier pays a d’ailleurs tenté de faire reconnaître sa cuisine traditionnelle comme faisant partie du patrimoine de l’humanité. En vain. Les bonzes de l’UNESCO n’aiment pas la gastronomie semble-t-il. Ils n’aiment pas non plus le sport. En effet, on retrouve des centaines de danses, de formes de théâtre, de types de chants mais aucune activité sportive. Étrange. Car dans la parade de la Saint-Patrick il n’y avait pas que des vieux Shriners avec des sacs en plastique sur leurs chapeaux, il y avait aussi une équipe de hurling. Si vous ne le saviez pas, le hurling est une espèce de hockey sur gazon irlandais.

Je suis unanime avec moi-même : le hurling doit faire partie du patrimoine immatériel de l’humanité. Tout comme la pelote basque, la crosse et la boxe Muay Thai. L’ulama mexicain fait aussi partie intégrante de ce qui rend l’humain supérieur aux phoques. Les phoques ne sont pas capables de fabriquer des balles en caoutchouc et ne sont surtout pas capables de jouer à l’aki avec des balles de 7 livres en n’utilisant que leurs hanches pour les faire rebondir. Je ne serai satisfait que lorsque l’humanité reconnaîtra que le Kin-Ball a la même valeur que la Grande Muraille de Chine.

Mais avant de vous immoler pour le Kin-Ball, une mise en garde s’impose. Si vous êtes en vélo au coin de Mont-Royal et Saint-Denis, faites attention à la voie de tramway. Oui, oui, les nids de poules sont tellement profonds qu’un rail de tramway risque de vous faire chuter. Qui dit tramway dit chevaux. Et qui dit chevaux dit écuries et courses.

En juillet prochain U2 (prononcer youtou) fera deux shows à Montréal. Au Centre Bell ? Non. U2 investira 3 millions de dollars pour faire monter une scène dans l’hippodrome Blue Bonnets. Et ensuite la démolir. Démolir la scène. Et l’hippodrome. C’est tout un pan de l’histoire sportive montréalaise qui disparaîtra.

Au même moment, des citoyens de Griffintown, un quartier irlandais tout près de McGill, se battent pour préserver la plus ancienne écurie de Montréal, le Griffintown Horse Palace, utilisée depuis 1862. La ville de Montréal s’est construite grâce aux chevaux. Les animaux et les courses ont fait partie intégrante de l’histoire. Une fois détruits, ce ne sont pas que des bâtiments qui seront perdus. Ce sera aussi toute la culture les entourant.

L’avenir nous dira si les concerts de U2 feront partie du patrimoine de l’humanité. Permettez-moi d’en douter.


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