Le nom d’Étienne Lepage vous met-il la puce à l’oreille ? Cet auteur avait galvanisé les critiques de théâtre à l’automne 2009 lors de la présentation de sa pièce Rouge Gueule à l’Espace Go. Le voici de retour avec de nouvelles munitions, à peine quelques mois plus tard, explorant à nouveau des thèmes propres à l’adolescence. Kick, une création québécoise, représente un tournant pour la jeune compagnie du Théâtre de la Marée Haute qui, jusqu’à présent, avait proposé des pièces européennes inédites.
Au départ, la mise en scène de Michel- Maxime Legault nous en met plein la vue grâce à un lever de rideau aussi coloré et flamboyant que peut l’être une crise d’adolescence. La pièce se compose d’une succession de pensées et de récits qui ramènent les spectateurs à leurs jeunes années, à la manière d’un recueil de nouvelles mis en scène. Les scènes se succèdent toutefois sans que se crée un lien conducteur fort, ce que l’on peut attribuer à la volonté de l’auteur d’exprimer les coups de tête et les brusques changements de direction sans fond ni raison qui surviennent à cette époque de la vie, marquée par les fluctuations hormonales.
L’écriture d’Étienne Lepage nous mène facilement, sans détour, à travers les chemins tortueux des années de transformation. L’auteur parvient à saisir quelques instantanés de la période séparant l’enfance de l’âge adulte qui rassemble quête d’identité, révolte, rejet de soi et des autres, fraîcheur du regard, doutes… Sans trop renouveler le fond, l’auteur aiguise sa plume et choisit bien ses mots pour faire ressortir les différentes facettes de la jeunesse : l’abrutissement par les cartoons, les chips et les récits de faits divers rendus exagérément intéressants, les conversations vides sur des sujets sans queue ni tête, l’inexorable perte de l’innocence et de l’importance de la vérité, les dépanneurs, les sales coups, la cruauté par défaut, les contradictions, les partys, les mauvaises communications, comment plaire et se faire valoir, la noyade dans des océans de la banlieue, la lutte pour la puissance et le pouvoir.
La scénographie de Julie Deslauriers est simple mais efficace, s’inspirant du thème de la pièce et utilisant les formes géométriques et les parois pour engendrer des effets de lumière intéressants. L’emploi réussi d’un cube aux dimensions exiguës pour contenir un comédien lors d’un monologue parvient à placer le spectateur dans la tête d’un ado qui se cherche et remue ses tracas. Il convient par ailleurs de souligner les performances expressives de Gabriel Lessard et de Marie-Ève Trudel, qui ont su rendre le public hilare par leur interprétation fort juste.
Une belle intégration de segments de danse contemporaine, chorégraphiés par Caroline Laurin-Beaucage, vient accentuer et augmenter la portée du texte et des émotions qu’il suscite. Les comédiens n’étant pas des danseurs professionnels, certains d’entre eux ont pu éprouver certaines difficultés lors de l’exécution, mais ont su ajouter une touche de comique et de chaos hyperactif, conférant au thème principal du caractère et de l’énergie brute.
Kick, dont la représentation s’étend sur une heure à peine, dresse certes un portrait réussi de l’adolescence, mais donne l’impression que certains personnages auraient pu être amenés à prendre la parole plus souvent. Finalement, la pièce se termine comme elle a débuté, c’est-à-dire à grands cris, des hurlements qui agissent comme autant d’appels visant à attirer l’attention de l’autre et à permettre de trouver sa place dans un futur univers d’adultes.
Kick
Où : Aux Écuries, 7285, rue Chabot
Quand : du 9 au 27 mars
Combien : 15$ (étudiant)