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Cadrage médiatique

Tout le monde se cramponne

La Presse elle-même admettait dans un article du jeudi 18 mars dernier que normalement, une rencontre entre un représentant de groupe d’intérêt québécois et un ministre provincial ne constitue pas en soi l’objet d’une couverture médiatique. Et pourtant, le même jour, la convocation du président de la Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ) par le Ministre Sam Hamad était relatée par tous les quotidiens québécois.

Ces temps-ci, tout ce qui peut être associé, même de loin, à la FTQConstruction, à l’attribution de contrats publiques, aux finances du Parti Libéral ou à la possibilité d’une enquête publique sur l’un de ces trois thèmes est tenu comme a priori pertinent pour la publication. Mais sur quoi ce sentiment est-il fondé ? Il y a longtemps qu’une vraie nouvelle ne nous est parvenue à propos de l’un ou l’autre de ces trois sujets.

Pour la FTQ-Construction, la dernière a été celle des comptes de dépenses de Jocelyn Dupuis en 2009 ; pour les contrats, la nouvelle la plus récente est celle des compteurs d’eau datant elle aussi de l’an dernier ; et quant aux finances du Parti Libéral, on pense bien sûr à l’autre salaire de Jean Charest.

Tant d’allégations –probablement fondées, il faut dire– ont été faites l’an passé sur l’existence d’une toile obscure reliant ces sujets en apparence distincts qu’il s’est créé, dans et par la sphère médiatique, l’illusion qu’il se passe en permanence « quelque chose » et, donc, qu’il y a toujours quelque chose à dire. Si l’on y regarde bien, la tempête médiatique que nous avons traversée dans les deux dernières semaines n’a été construite que sur des allégations, des rumeurs et des réponses à ces dernières. Cela a commencé avec la sortie de Pierre Brassard de la CSN-Construction, selon laquelle il y aurait eu un employé dans un chantier qui en aurait intimidé un autre. Normalement, ce genre de commentaire n’est pas relevé par la presse, ou alors ne fait les frais que d’un entrefilet sans lendemain.

Si chaque journal et chaîne de télévision a bondi sur l’occasion Brassard, c’est qu’il y avait là une occasion de réveiller quelque chose comme un débat national, assez flou j’en conviens, mais tournant autour de la question des enquêtes publiques. Il s’est ensuite trouvé des lecteurs pour rédiger des lettres d’opinions louant l’avalanche médiatique faite sur les sujets mentionnés plus haut, comme si elle allait nécessairement, d’elle-même, mener à la mise en lumière d’escrocs vampirisant le Québec et aussi à leur désintégration par le biais… d’une enquête publique éblouissante.

L’opinion publique perçoit les médias comme un citoyen vaillant qui se porte à la défense des autres parce qu’il croit faire lumière sur quelque chose d’important. Mais pourtant, les médias ne font qu’imiter ceux dont ils parlent : ils se cramponnent à leurs intérêts, coûte que coûte. Peu importe s’il n’y a pas eu d’événements et que rien n’a changé, au fond. Ce genre d’histoires remplit admirablement des pages, lesquelles se multiplient par ellesmêmes car la diversité des acteurs en lice en garantit la fécondité. Sans compter qu’une enquête publique garantirait des mois de nouvelles et rebondissements. Mais il y a plus grave. Pendant que des éléments de la FTQ, de la CSN, du PLC et du PQ se cramponnent sur leurs prises de positions, le dossier de l’heure sombre dans l’obscurité : qu’advient-il du Front Commun et des négociations dans le secteur public ?

Faudrait-il également demander une enquête publique sur les salaires de plus de 450 000 employés de l’État, d’au moins 13% inférieurs à ceux du privé, pour que l’on accorde à ce dossier touchant la vie de milliers de québécois l’attention qu’il mérite ?


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