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De la violence héroïque

Tête de turc, une première réalisation audacieuse de l’acteur français Pascal Elbé, nous plonge au cœur d’une histoire rocambolesque qui prend vie dans un quartier sensible.

C’est avec un brin de timidité que le charmant acteur français Pascal Elbé, converti en réalisateur, présente son premier bijou : Tête de turc. La première mondiale a eu lieu le 31 août dernier dans le cadre du Festival des Films du Monde de Montréal. Elbé a fait une brève apparition avant la projection de son film pour saluer l’auditoire du Théâtre Maisonneuve. Après les présentations et les remerciements, l’ambiance s’est soudainement refroidie.

Et vlan ! La première scène du film est puissante, mais surtout violente à en glacer le sang. Une jeune clandestine chinoise se fait violemment arrêter par une brigade policière dans une banlieue difficile. Des jeunes lui viennent en aide et se mettent à jeter des pierres aux policiers avant que la situation ne dégénère sérieusement. Ensuite, les événements s’enchaînent : un médecin urgentiste, Simon Torossian (Pascal Elbé), est presque brûlé vif dans sa voiture, mais il est sauvé in extremis par Bora (Samir Makhlouf), un jeune turc de 14 ans. Ce qui semble être un simple acte de bravoure est en fait l’élément déclencheur d’une enquête policière acharnée.

On assiste à une quête de la vérité sur fond de règlements de compte. Bora se cache, il est en cavale dans sa propre cité, car c’est lui qui à lancé le cocktail Molotov ayant provoqué l’explosion de la voiture du médecin. Un autre jeune est accusé à sa place, mais puisque c’est l’omerta qui dicte les règles du jeu, personne ne dénonce Bora. Atom Torrosian, un flic au lourd passé, est déterminé à trouver celui qui a envoyé son frère à l’hôpital.

En parallèle, une autre histoire se développe : un homme appelle les urgences parce que sa femme a subi un malaise cardiaque. Simon, qui devait se présenter à la résidence du couple, n’a jamais pu se rendre à destination puisqu’il était piégé dans les flammes. La malade succombe. 

Son mari ne pense plus qu’à venger la mort de sa femme et décide de retrouver celui qu’il considère comme l’assassin de sa dulcinée.

Outre la richesse du scénario, c’est l’interprétation des acteurs qui réussit à donner de la crédibilité à cette histoire. Effectivement, on retrouve dans Tête de turc une brochette d’acteurs exceptionnelle, dont la sulfureuse actrice israélienne Ronit Elkabetz qui incarne Sibel, la mère courageuse et ambitieuse de Bora. Roschdy Zem est aussi de la partie. Il en est à sa deuxième collaboration avec Pascal Elbé, après l’avoir dirigé dans son film Mauvaise foi, et incarne cette fois-ci Atom, le frère protecteur de Simon. Aussi, il convient de souligner le travail de l’excellent Samir Makhlouf, qui apparaît pour la première fois à l’écran dans le rôle du tourmenté Bora. 

Il semble donc que tout y est : un bon scénario, une intrigue palpitante, des acteurs compétents et des scènes d’action spectaculaires… Mais le plus important est que Tête de turc n’est pas un film qui prône la victimisation, laissant plutôt la place au débat. On ne stigmatise pas les jeunes des quartiers sensibles et tous les policiers ne sont pas injustes et racistes. Ce n’est pas une histoire banale tirée d’un fait divers. Au contraire, ce film est synonyme d’engagement social et on y explore plusieurs aspects de la vie. On examine par exemple celle des mères monoparentales, qui sont souvent obligées de subvenir aux besoins de leurs enfants dans des conditions difficiles, voir hostiles, mais qui réussissent à protéger leur progéniture malgré tout. 

La plus grande réussite de Tête de turc est donc d’arriver à concilier la fiction et la réalité sans tomber dans les clichés : on assiste à la douce transition de la violence vers l’héroïsme.


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