Aller au contenu

Le Spectrum est mort, vive L’Astral !

Été 2007, le Spectrum, l’une des salles mythiques de la métropole, fermait ses portes après avoir vu passer durant vingt-cinq ans les Leloup, Bélanger, Bashung et Charlebois sur les planches de sa scène. Une pétition a circulé. Quelques vives réactions se sont faites entendre, mais sans plus. Quelque mois plus tard, un trou béant se trouvait là où ce monument de la chanson s’élevait jadis. Nous avons laissé le drame se jouer, cloîtrés que nous sommes dans notre prudence nationale. 

Montréal faisait peau neuve. Exit les salles un peu déglinguées qui nécessiteraient d’être rénovées de la cave au grenier. On voulait du propre et du beau, on voulait que ça brille. C’est alors que L’Astral voit le jour, au cœur de ce Quartier des spectacles si prometteur qui doit assurer à Montréal sa réputation de métropole culturelle. Depuis, on ne parle que de ce projet devenu le principal cheval de bataille du maire Tremblay, la planche de salut à laquelle il s’accroche pour montrer aux Montréalais que « sa » ville est une grande ville. Mais en dehors du fameux Quartier des spectacles, point de salut.

Ghislain Poirier, DJ, promoteur et ardent défenseur de la scène musicale montréalaise, montait récemment aux barricades pour dénoncer le double-jeu de l’administration Tremblay. Alors qu’elle se targue de donner un nouveau souffle à la vie culturelle d’ici, elle mène la vie dure aux petites salles de la métropole, aux lieux de diffusion plus marginaux. Dans une lettre ouverte publiée en avril dernier, Poirier signalait que la Société des Arts Technologiques (SAT) devrait dorénavant surveiller ses décibels suite à la plainte d’un seul citoyen froissé. Et voilà que le service de police de la Ville de Montréal (SPVM) lance le projet NOISE, une initiative qui resserre l’étau sur toutes ces petites salles qui ont déjà bien du mal à survivre. Campées pour la plupart dans le Plateau et le Mile End, elles se voient accablées de contraventions salées qui portent un dur coup à leurs finances. Il est à parier que la volonté centralisatrice qu’entraîne le projet du Quartier des spectacles ne pourra que les marginaliser davantage. On se demande d’ailleurs si cette volonté ne serait pas à l’origine de l’entreprise : on coupe de plus en plus dans ce qui pourrait concurrencer avec la nouvelle centrale culturelle du centre-ville. En canalisant ressources, initiatives et financement vers le Quartier des spectacles, on risque d’étouffer d’autres lieux de diffusion dont le rôle est également primordial. L’équipe de Spectra n’a‑t-elle pas récemment laissé tomber le Théâtre Outremont sous prétexte qu’il était trop éloigné du centre-ville ? L’organisation, propriétaire de nombreuses salles montréalaises, est également derrière les principaux festivals de la métropole (les Francofolies, le Festival de Jazz et Montréal en Lumières) et a toujours noblement servi la scène culturelle d’ici. On se serait attendu à ce que ses principaux administrateurs n’entrent pas dans la danse orchestrée par Tremblay.

Car ce sont d’abord des lieux comme la Casa del Popolo, le Divan Orange et Il Motore qui ont contribué à l’émergence d’artistes qui représentent aujourd’hui Montréal à travers mers et mondes. Ce sont sur eux que nous devons miser pour préserver l’effervescence de la scène montréalaise, une effervescence dont on parle constamment mais qui menace de s’éroder. À quand une véritable reconnaissance du rôle qu’ils jouent dans l’image de « métropole culturelle » que l’on souhaite tant projeter ?


Articles en lien