Aller au contenu

L’appel du large

Sophie Bouchard signe Les Bouteilles, un second roman qui dérive et divague.

Perchés au dessus du fleuve et isolés du monde, Cyril, Clovis et sa copine Frida voient les jours et les semaines s’écouler dans l’immobilité la plus totale. Rien ne leur parvient si ce ne sont les humeurs du courant marin et les visites d’Armand, leur commissionnaire. Et pourtant, c’est dans l’isolement de ce phare qu’ils habitent que leurs peurs et leurs regrets les rattrapent, qu’ils sont confrontés à eux même face à cet horizon bleu qui les sépare de tout. 

C’est dans une atmosphère presque surréelle que Sophie Bouchard nous entraîne avec son second roman, publié chez La Peuplade. Grâce à un style qui fait plusieurs emprunts à l’écriture scénaristique, le lecteur se fait dès les premières pages témoin des derniers instants d’une profession rendue désuète avec l’avènement de l’ère technologique. Deux gardiens de phare qui se relaient et une jeune femme coupée de tout, il n’en faut pas plus pour que s’installe dès les premiers chapitres un récit hautement captivant. 

Derrière le « décor de carte postale » se dessine lentement « l’enfer » de chacun. Cyril, le plus âgé d’entre eux, se complait dans l’isolement pour oublier Rosée, une femme qu’il aime toujours et qui a choisi de rester au Sénégal après que le couple s’y soit installé. Clovis, venu habiter le phare afin de l’automatiser, a renoncé à naviguer après avoir vu son père frôler la noyade. C’est dans son obsession et son angoisse qu’il a entrainé Frida, une jeune femme autrefois pleine de vie qui prémédite lentement son retour au village. La prose de Sophie Bouchard se tisse de bouteilles à la mer, de messages désespérés, de récits de navigation et de tempêtes. Ses premiers chapitres baignent dans une mélancolie calme et dépaysante. 

Et pourtant, alors que Cyril et Frida reprennent contact avec le monde, tout le charme se perd. Une scène hautement tragique défigure le roman. Tout ce qui était d’une charmante simplicité bascule soudainement dans la tragédie maladroite. Les deux protagonistes quittent le phare et se confrontent au monde. Place au voyage et aux paysages de l’Afrique. Tout comme le roman, les personnages, désorientés, se retrouvent dans un univers qui n’est par le leur. L’auteure prend ici un virage qu’elle ne maîtrise manifestement pas. Le style, affecté, se retrouve truffé de dialogues qui sonnent faux. Après plusieurs chapitres qui ne laissaient aucunement présager ce changement de cap, le lecteur pourra à son tour ressentir l’appel du large. L’intérêt s’émousse malgré un départ fulgurant. Voilà qui est bien dommage. 

On ne peut qu’espérer que le prochain roman de Sophie Bouchard évitera un tel faux pas, le style dont elle fait montre dans les premiers chapitres étant en lui-même très intéressant. La prochaine parution de La Peuplade, Était une bête de Laurence Ouellet Tremblay, devrait quant à elle être en librairie dès le 19 octobre.


Articles en lien