À l’origine d’un cri est l’histoire d’un homme (magistralement interprété par Michel Barrette) qui perd sa femme et ne peut se résoudre à cette séparation forcée. Dévasté par sa douleur comme par l’alcool, il déterre le corps de la défunte et entreprend un long périple de motel en motel jusqu’à ce qu’il soit capable d’accepter la mort. C’est aussi l’histoire d’un jeune homme (Patrick Hivon) qui prend la route avec son grand-père (Jean Lapointe) afin de retrouver ce père qui a fui avec la dépouille de sa femme. Au cours de ce voyage, chacun fera le deuil de ses souffrances et apaisera ses démons. La confrontation des personnages, parfois d’une extrême brutalité, les mènera finalement à un certain apaisement.
De la violence et de la rage, le film de Robin Aubert en est rempli. Il est même parfois difficile de voir l’amour qui se cache derrière ces cris de détresse, ces visages en larmes et ensanglantés, ces bagarres sans fin. Le silence qui règne entre les personnages se mélange aux non-dits et aux insultes de manière à ébranler sans répit le spectateur, dont le malaise est complet. Il faut dire que le réalisateur donne le ton du film dès la première scène, d’une incroyable sobriété mais qui n’en est que plus bouleversante : le petit Hugo est victime d’un abus sexuel perpétré par son gardien. Un abus dont on ne voit rien. Seuls les sons nous parviennent. Le malaise est immédiat. Cette expérience, traitée visuellement avec une subtilité remarquable et une justesse absolue, marque durant tout le film le rapport enragé d’Hugo à son propre corps comme à celui des femmes, qu’il n’arrive pas à aimer plus d’un soir.
Mais Hugo n’est pas seul dans sa rage contre le monde. Il est accompagné de son grand-père, interprété par un Jean Lapointe sobre et juste, tendre et convaincant, sans faille. Et la présence de ce personnage, endeuillé lui aussi puisqu’il a perdu sa femme dans un passé plus ou moins lointain, contribue à allèger, du moins par moments, l’atmosphère étouffante du film. Personnage tragique à sa façon, son rapport aux autres est moins violent que celui des générations qui le suivent, et paraît rappeler que l’amour familial subsite en dépit des différences, des silences et des erreurs de chacun.
À travers cette histoire de famille, Robin Aubert propose un portrait d’une grande délicatesse d’un Québec « en mal d’affection », sans caricature ni folklore. C’est en effet la nation entière qui semble souffrir à travers ces hommes en pleine déchéance, en quête d’un espoir qui semble éteint.
Aucun faux pas ni aucune erreur ne sont présents dans le scénario, la réalisation et l’interprétation de ce récit. Pourtant, cet excès de violence pourra fatiguer l’un ou l’autre spectateur qui ne trouvera même pas de réconfort dans la scène finale, un peu trop conventionnelle pour atténuer réellement le malaise du public et offrir un quelconque espoir de rédemption et de réconciliation avec la vie.
En salle depuis le 24 septembre.