Début octobre (cela n’aura pas échappé aux assidus de BBC World News), la Chine envoyait son Premier Ministre Wen Jiabao en Grèce pour un voyage plus économique que diplomatique.
En effet, l’empire du Milieu rachètera bientôt les bons du trésor grec, sauvant ainsi l’économie du pays dévastée par la crise monétaire amorcée en 2009. Si la chose s’avère bénéfique pour la nation grecque et la résolution de sa situation financière catastrophique, il est une question intéressante à soulever quant aux conséquences symboliques et à la métaphore de cette intervention chinoise en Grèce.
Depuis l’antiquité jusqu’aux temps modernes, la civilisation européenne échangeait avec cette imprenable et très avancée civilisation chinoise. des relations de nature méfiante et admiratrice envers l’empire du Milieu devenu alors source de tous les fantasmes sur l’orient.
Après des millénaires de coexistence et d’expansion, l’imposante civilisation chinoise a finalement le dernier mot sur l’antique civilisation grecque, dont la plupart des Européens sont issus. Dans les faits, cette action chinoise en Europe entre dans une logique que nous connaissons : celle de la mondialisation. Rien de choquant à cela. Symboliquement, en revanche, certains pourraient analyser que c’est la fin d’une civilisation souveraine en Europe : la civilisation hellénique.
Qui pourrait faire le rapprochement entre la nature strictement économique de l’événement et son aspect symbolique ? Les étudiants en sciences politiques ont tous lu l’engagé Clash of Civilizations de feu Samuel Huntington. Ce texte controversé explique que les interactions de l’ordre international sont inévitablement animées par une violente opposition entre les civilisations. Ces dernières, selon cette théorie, sont vouées à se livrer bataille du fait de leurs inconciliables différences culturelles.
Dans l’imaginaire collectif, le choc des civilisations semble être une évidence lorsqu’on parcourt les débats sur ce sujet. Cette notion y est en fait extrêmement liée à une conviction : l’existence d’une conspiration mondiale. D’une certaine manière, Internet a propulsé cette vision du monde d’une manière unique. C’est par la circulation ultra rapide et facile des idées que l’on constate maintenant une masse d’informations à ce sujet.
La théorie du choc des civilisations est relayée par les paroles d’innombrables professeurs, journalistes, hommes politiques, inconnus ou bannis des débats conventionnels qui ont acquis un statut et une légitimité grâce à la Toile. Sans le côté accessible, et avant-gardiste d’internet, cette minorité qui s’exprime n’aurait jamais pu émerger et diffuser sa simpliste pensée faussement polémique.
Pour les adeptes du « choc des civilisations », la symbolique de l’entente sino-grecque devrait être signifiante. Pour d’autres, il semble que l’événement importe peu dans un système internationalisé où le mot libéralisation tient toute sa place. Dans le contexte de la mondialisation, notre psyché contemporaine paraît moins sensible à tout ce qui touche l’héritage culturel et sa préservation ; il est pourtant intéressant de se dire que, il n’y a pas si longtemps, on aurait perçu ces faits comme une véritable catastrophe pour la culture occidentale.
Deux hypothèses pourraient expliquer cette situation. Peut-être n’avons-nous que faire de nos cultures ancestrales et de leur survivance, ou peut-être avons-nous appris, à raison, à passer au-dessus de ces luttes de civilisations, luttes qui ont autrefois mis le monde à feu et à sang.