Lors de la dernière consultation québécoise pour la planification des niveaux d’immigration, en 2007, « tout le monde s’est donné le mot pour affirmer que l’immigration était absolument essentielle pour assurer le bien-être économique du Québec et qu’il fallait rehausser les niveaux d’immigration parce qu’on a une société vieillissante et parce qu’on a une pénurie d’emploi dans plusieurs domaines », se rappelle Benoît Dubreuil, chercheur au département de philosophie à l’UQAM. Les statistiques viennent-elles appuyer ces arguments ?
Renouvellement de notre population
Certains chercheurs n’hésitent pas à voguer à contre-courant et à exprimer une opinion bien différente de celle qui prévaut dans les élites politiques.
L’immigration permet de freiner le vieillissement de la population qui accable notre économie ? « C’est complètement faux », tranche Guillaume Marois, candidat au doctorat en démographie à l’INRS et spécialiste de l’immigration au Québec. « L’immigration n’a à peu près aucun impact sur le vieillissement de la population ».
« Le principal impact de l’immigration est d’augmenter la taille de la population, mais la structure par âge de celle-ci n’en est pas significativement modifiée. Ce constat ne fait pas l’objet d’un débat au sein des démographes et il ne s’agit même pas d’opinion : c’est mathématique », soutient-t-il. Il ajoute que « pour avoir un véritable impact sur le vieillissement, dans le cas du Québec, il faudrait environ quadrupler le nombre d’immigrants admis [de 50 000 à 200 000 individus par année, NDLR], ce qui n’est pas un scénario réaliste ».
Besoin de travailleurs
L’immigration permet de combler notre besoin de main-d’œuvre qualifiée ? Selon M. Marois, « pour être efficace, il faudrait que les immigrants soient qualifiés pour répondre à ces besoins. Or, seulement 9% des immigrants sélectionnés comme travailleurs qualifiés ont une formation dans un domaine privilégié par le Québec. » M. Dubreuil, quant à lui, mentionne un autre élément, « quand on fait venir des immigrants, ça fait augmenter l’offre de main-d’œuvre, mais ça fait aussi augmenter la demande de main-d’œuvre. L’impact sur l’économie va dépendre de la façon dont les immigrants vont performer par rapport au reste de la population. »
Création de richesse
En dépit de ces rectifications, peut-on dire que les immigrants ont un effet positif sur l’économie québécoise ? « Les études à ce sujet convergent généralement vers un même résultat : l’immigration n’a pas d’impact significatif sur l’économie. Ni positif, ni négatif », mentionne M. Marois. Il maintient également que « lorsque les politiciens affirment que l’immigration est bonne pour l’économie, ils font des spéculations qui ne reposent sur aucune étude sérieuse ».
Un tabou ?
Pourquoi existe-t-il un fossé entre le discours de nos élus sur l’immigration et les données démographiques ? Selon M. Marois, « le discours officiel est noyé par la rectitude politique […], quiconque proposerait de réduire, voire de seulement maintenir les seuils, risque de se faire traiter de racistes ou xénophobes par ses opposants politiques ». M. Dubreuil en rajoute, « il y a un climat empoisonné autour du débat sur l’immigration ».
Il semble cependant y avoir consensus quant au fait que l’économie n’est pas la seule façon de justifier l’accueil d’immigrants. « Dans le cas des réfugiés, c’est clair, la justification est humanitaire. On accepte de payer un coût pour ça. […] Même chose pour le regroupement familial, pour des raisons morales, on ne veut pas séparer les familles », mentionne M. Dubreuil. Il rappelle cependant que « dans le cas de l’immigration économique, qui au Québec représente 70% des arrivants, c’est plus sensible ».